Libois, Paul (1901-1990)

From Bestor
Revision as of 13:52, 13 September 2021 by Bestor (talk | contribs)
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to: navigation, search
Bron: carcob.eu

Professeur et mathématicien, pédagogue spécialisé en mathématiques. Né le 6 avril 1901 à Diest et décédé le 17 décembre 1990 à Schaerbeek. Époux de Lucy Fonteyne.


Biographie

Libois était âgé de 13 ans et allait entamer ses études secondaires lorsque la Première Guerre mondiale éclata. Avec ses parents, il prit la fuite vers la France, où la famille reçut asile. C'est au lycée Saint-Louis à Paris qu'il effectua sa scolarité ; il s'y révéla un « élève d'élite », ainsi qu'en témoignent ses bulletins. Libois retrouva son pays natal en 1919, un brillant diplôme de fin d'études en poche. Il s’inscrivit à l'Ecole Polytechnique de l'Université libre de Bruxelles, mais se réorienta quelques années plus tard vers les mathématiques et la physique. Il reçut son diplôme en 1924 avec la plus grande distinction.


Cette même année, l'université de Bruxelles engagea à temps partiel le jeune mathématicien comme assistant du professeur Adolphe Mineur. En cette qualité, il participa à de nombreux congrès, lors desquels il rencontra entre autres l’éminent spécialiste italien de la géométrie algébrique, Federigo Enriques. Il travailla à deux reprises à ses côtés, séjournant durant quelques mois à Rome (en 1928 et en 1934).[1] Au cours de son deuxième séjour, il collabora également avec Guido Castelnuovo, autre personnalité centrale de l'école italienne de géométrie algébrique. Libois avait déjà précédemment fait la connaissance de Lucien Godeaux, le représentant belge de la géométrie projective, à la Société mathématique de Belgique. Ces différents contacts orientèrent la recherche ultérieure de Libois. Il travailla entre autres sur les transformations birationnelles ou «transformations de Cremona ». Dans son mémoire, il posait la question de l'existence d'un moyen de compléter le plan projectif par l’adjonction de nouveaux « points », de telle manière que les transformations de Cremona deviennent de vraies transformations ; il remit une thèse d'agrégation dans laquelle il étudiait une classe de plans quadruples. Pendant cette période, il contribua à la revue scientifique Mathesis par l'envoi régulier d'articles. En 1937, Libois succéda à son maître Mineur, dont la chaire fut dédoublée. Une partie des cours de Mineur fut confiée à Paul Burniat. Avec Burniat, Libois et leurs collègues Alfred Errera et Théophile Lepage, l'école bruxelloise de mathématiques atteignit un rayonnement international.


A cette période, les intérêts scientifiques de Libois étaient axés principalement sur la géométrie des lignes projectives. L'axiome traditionnel de la géométrie projective ne donnait rien pour une droite. Libois était d'avis que la triple transitivité du groupe de la droite projective permettrait de surmonter cette difficulté. Il soumis le problème à son élève Jacques Tits qui le résolut. La physique mathématique constituait un autre de ses intérêts. En 1947, Libois et Géhéniau mirent sur pied un séminaire de mathématique physique. Avec Robert Debever et Tits, ils développèrent leurs hypothèses sur les espaces utiles en physique. La passion de la recherche mathématique de Libois englobait également un aspect historique. Dès le début de sa carrière, le mathématicien fit preuve d'un grand intérêt pour les racines de sa discipline ; la réflexion historique tenait une place significative dans ses conférences et ses articles.


L'importance de Libois au sein de l'école bruxelloise de mathématiques se situait principalement dans le domaine de l'enseignement des mathématiques. Il fut le principal promoteur d'un enseignement « intuitif » des mathématiques à l'école secondaire.[2] Il plaidait en faveur de l'utilisation de matériaux tangibles comme base d'apprentissage, concept auquel son engagement marxiste n'était pas étranger. Libois était également un ardent partisan des idées de réforme du pédagogue belge Ovide Decroly. Pour ce dernier, l'observation et la découverte spontanée constituaient la base de l'auto-développement de l'enfant. Lucy Fonteyne, directrice de la première école Decroly à Bruxelles, devenue épouse de Libois en 1936, joua sans aucun doute un rôle significatif dans le développement de ses idées et projets.


Sur base de cette volonté de rendre tangibles les rudiments des mathématiques, Libois mit au point le concept d' « exposition mathématique », où celles-ci étaient rendues concrètes et visuellement attrayantes à l'aide de maquettes en fil de fer, de représentations en coupe, de planches illustrées et autres objets. Cette idée était nouvelle. A partir de 1951, Libois organisa chaque année des expositions de géométrie pour ses étudiants et pour les élèves de différentes écoles. En 1953, la Société belge des professeurs de mathématique devint partenaire permanent de l’organisation. Les expositions se tenaient dans une école secondaire, et traitaient chaque fois d'une question différente.[3] Les étudiants (et les élèves?) réalisaient eux-mêmes les pièces exposées, avec du carton, du bois, du fer, du plexiglas ou du fil. Les enseignants apportaient également des objets. L'exposition de Berchem de 1955, dont la profusion marqua les esprits, fut celle qui connut le plus grand retentissement. On pouvait y admirer, entre autres modèles mathématiques, des parallélépipèdes, des polyèdres, des paraboloïdes hyperboliques et des cylindres circulaires droits.[4] Ces expositions, qui s'avérèrent de francs succès, se tinrent chaque année jusqu’en 1971. Le concept de Libois fut imité dans de nombreux pays; en Italie, c’est la pédagogue Emma Castelnuovo, fille de Guido, qui introduisit l’idée.


En outre, Libois participa aux réflexions autour de la réforme de l'enseignement secondaire. Il était une valeur sûre du Comité d'initiative pour une Réforme de l'enseignement en Belgique (CIREB) et ensuite de la Commission internationale pour l’étude et l’amélioration de l’enseignement des mathématiques (1951). En 1960, Libois présida le séminaire organisé par l'Organisation européenne de coopération économique, consacré à l'enseignement des mathématiques.


De la même manière que ses intérêts mathématique et historique étaient indissociables, les idées pédagogiques de Libois prenaient également racine dans ses convictions idéologiques. Marxiste convaincu, il fut notamment actif, à partir de la fin des années 1920, au sein des Amis de l'Union Soviétique et du Parti communiste belge. Il était une figure centrale du milieu intellectuel des penseurs progressistes et communistes de Bruxelles, mais était également membre et l'un des fondateurs de la loge locale (la loge Promethée). Pendant la Seconde Guerre mondiale, le mathématicien fit partie de la résistance, avec son collègue et ami Jules Géhéniau. Il siégea de 1946 à 1950 au Sénat, en tant que représentant du parti communiste. En cette qualité, il présida en 1946 la commission de l'Instruction publique. Il y défendit toujours ses convictions pédagogiques personnelles en tant que mathématicien. Il agit également à titre de porte-parole du parti en matière d'enseignement. Sa carrière politique prit fin en 1954, après des dissensions avec la direction du parti ; une cause importante de discorde fut l’affaire Lyssenko, lors de laquelle Libois prit clairement position en faveur de la théorie génétique du biologiste russe Trofim Lyssenko, contre la plupart des biologistes belges dont Jean Brachet et Paul Brien.[5]


Libois fut admis à l'éméritat en 1971. Il était Grand officier de l'Ordre de Léopold et de l’Ordre de Léopold II.



Bibliographie



Notes

  1. Bruffaerts parle d'un certain nombre de brèves réunions avec Enriques à Rome plutôt que d'une collaboration. Bruffaerts, Paul Libois : Projet d’une biographie, 1994,8.
  2. Cette géométrie « concrète » faisait partie depuis 1945 du programme de l'enseignement secondaire mais seulement pour les étudiants de première année.
  3. Des surfaces quadratiques (1951),ombre, lumière et géométrie (1952), transformations (1953), symétrie (1954), sphère (1955).
  4. L'Enseignement des sciences, 1959; Paedagogica belgica, 7-11 (1957), 57; Mathematica et pedagogia, 3, nr. 8; Les modèles dans l'enseignement mathématique, Bruxelles, 1955; Geert Vanpaemel en Dirk de Bock, "Intuitive geometry in Belgium (1945-1960)", document inédit, 2015.
  5. Joël Kotek et Dan Kotek, L'Affaire Lyssenko, Paris, 1986, 177-180.