Depage, Antoine (1862 - 1925)
Antoine Depage était médecin, chirurgien, professeur à l’université et homme politique. Il a développé des pratiques chirurgicales et des traitements de blessures de guerre. Il a également contribué au développement des soins de santé belges et à une meilleure formation des chirurgiens et des infirmiers.
Contents
Biographie
Formation et initiatives dans le domaine de l’éducation
Antoine Depage est né le 28 novembre 1862 à Boitsfort. Il passe une grande partie de sa jeunesse en pleine nature et sur les bancs de l’école, où il apparaît comme un élève moyen et indiscipliné. Il envisage de travailler dans la ferme de son père, mais s’inscrit quand même à l’Université libre de Bruxelles sur les conseils des Solvay, une famille d’industriels et de philanthropes. Antoine Depage a choisi d’étudier la médecine, non pas parce que la branche l’attirait, mais bien parce que la faculté en question réclamait les frais d’inscription les plus bas. Au départ, il mène un parcours scolaire assez banal, car il porte peu d’intérêt à la théorie pure. Des formations comme le stage clinique du professeur Jules Thiriar l’ont séduit et l’ont convaincu de s’investir davantage dans ses études. Cela a porté ses fruits : il repart sur de bonnes bases et termine son parcours académique en 1887 avec grande distinction.
Le professeur Paul Héger décèle le talent d’Antoine Depage et prend le jeune docteur sous son aile. Sur les recommandations du professeur, il est nommé assistant du service d’autopsie de l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles en 1888. Paul Héger encourage également Antoine Depage à poursuivre sa formation à Leipzig, à Vienne et à Prague. Lors de ses formations à l’étranger, il pose la base de sa thèse de doctorat sur la tuberculose osseuse, qu’il défend brillamment en 1890. À la suite de cela, il devient assistant dans le service de chirurgie du professeur Thiriar et enseigne l’anatomopathologie. En 1895, il devient chef du service de chirurgie. À partir de 1904, il remplit sa nouvelle fonction à l’hôpital Saint-Jean. En 1912, il succède au professeur Thiriar au poste de chef de la clinique chirurgicale de l’hôpital Saint-Pierre, où il est promu professeur de pathologie externe.
Antoine Depage plaide également pour une meilleure formation et un meilleur soutien auprès des infirmiers et chirurgiens. Il contribue à la création de la Société belge de chirurgie en 1892. En 1898, il fonde lui-même l’Année Chirurgicale, une revue littéraire consacrée à la chirurgie. En Belgique, il participe également à l’organisation de congrès chirurgicaux, réunions qui rassemblent des médecins venant des quatre coins du monde. En 1902, lors de l’une de ces conférences, la Société Internationale de Chirurgie est fondée. Cette société siège à Bruxelles et Antoine Depage en est le premier Secrétaire général.
En 1903, à Ixelles, il fonde Berkendael, un institut chirurgical, avec l’aide de sa femme, Marie Picard qui est infirmière. Quatre ans plus tard, cet institut devient l’École Belge d’Infirmières Diplômées. La Britannique Edith Cavell est alors nommée cheffe de service. Marie Picard se charge de l’administratif et des finances. Cette école est l’un des premiers établissements scolaires s’adressant principalement aux femmes qui veulent devenir infirmières sans vouloir s’enrôler dans un ordre religieux. Sa création est un tournant important dans la lutte contre l’Église, les ordres religieux séculaires et les médecins qui sont responsables de l’organisation des institutions d’enseignement pour les médecins et les infirmières. En 1914, une clinique chirurgicale est annexée à l’établissement.
Médecine, chirurgie et soins de santé
Antoine Depage rend visite à un malade à l’hôpital Saint-Jean à Bruxelles en 1923 Source : Loodts, P., ‘Le destin extraordinaire du Dr. Depage est lié à la rencontre de trois anges blancs au caractère exceptionnel’, Médecins de la Grande Guerre http://www.1914-1918.be/docteur_depage_ocean.php?PHPSESSID=4b3dfa57057a2e63500351015b1548b5, page consultée le 29 janvier 2020. |
En tant que médecin, Antoine Depage se consacre à la chirurgie et principalement à l’amélioration des interventions et des instruments chirurgicaux. C’est dans la pratique qu’il réalise ses plus grandes innovations. En 1912, Antoine Depage, sa femme et l’un de ses fils partent pour les Balkans, alors que la guerre vient d’éclater là-bas. À la demande de la Croix-Rouge de Belgique, ils fondent quatre hôpitaux de campagne et s’occupent des blessés. Cette expérience renforce les convictions d’Antoine Depage : les types de blessures causées par une guerre industrielle de masse, souvent menée dans de mauvaises conditions d’hygiène, exigent un nouveau traitement. Tout comme beaucoup de médecins, il plaide pour une meilleure désinfection des blessures. Il appartient à cette minorité de médecins qui émettent des doutes sur la méthode d’amputation, qui était fréquemment pratiquée. Il défend le « débridement », une méthode selon laquelle les tissus atteints doivent être enlevés pour favoriser la cicatrisation de la plaie.
Ces innovations chirurgicales illustrent les efforts fournis par Antoine Depage afin d’améliorer les soins de santé administrés aux soldats. Dans les Balkans, il œuvre pour la reconnaissance de l’importance des premiers soins sur le champ de bataille et s’oppose aux médecins qui préconisent des interventions chirurgicales minimales. Il apporte surtout son aide en Belgique lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914. Depuis des décennies, les soins prodigués aux soldats sont relégués au second plan compte tenu de la longue période de paix. La Belgique ayant été soudainement impliquée dans la guerre, elle n’a pas eu le temps de mettre en place son système de soins de santé pour les soldats. Antoine Depage, avec le soutien du Roi, apporte du changement dans ce domaine. Sur demande de la reine Élisabeth, il érige un hôpital au sein du Palais Royal de Bruxelles. Il se rend également sur le champ de bataille. En 1914, il construit un hôpital dans l’Institut Jeanne d’Arc de Calais.
Lorsque la guerre se termine dans le Westhoek, le docteur Depage encourage la création d’un nouvel hôpital chirurgical non loin du front. L’hôtel L’Océan à La Panne est donc transformé en hôpital militaire avec le soutien de l’Angleterre. Efficacité et égalité sont les maîtres-mots du chirurgien : il travaille avec des unités chirurgicales mobiles et traite les soldats en fonction de la gravité de leurs blessures, et non de leur grade, comme c’était le cas auparavant. Son approche porte ses fruits : le nombre de morts par intervention chirurgicale diminue de façon drastique. Dès lors, l’hôpital est agrandi et accueille un centre de recherches, où travaille entre autres Alexander Fleming, l’inventeur de la pénicilline. Les recherches fondamentales effectuées dans le centre de recherches sont appliquées directement au front, puis elles sont publiées et partagées lors des réunions. Grâce à ses réussites dans le domaine, Antoine Depage gagne en popularité aussi bien en Belgique qu’à l’étranger.
Après 1918, le chirurgien poursuit son objectif d’avant-guerre qui était d’améliorer les soins de santé belges. Il préside la Croix-Rouge de Belgique et instaure au Congo belge la Croix-Rouge et la Croix-Rouge de la Jeunesse. En sa qualité de président, il parvient à trouver assez de fonds pour garantir la survie de sa clinique chirurgicale à Ixelles. Son projet de création d’un hôpital aux États-Unis, indépendant du gouvernement belge, avec l’appui de la fondation Rockefeller reste une ébauche.
En 1923, Antoine Depage reprend le poste de chef du service chirurgical de l’Hôpital Brugmann, même si, à l’origine, il s’oppose à sa construction, car celle-ci fait obstacle à ses propres initiatives. La même année, il met sur pied, en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles, un service de radiologie dans ce même hôpital. Ce service est l’un des premiers en Belgique à combiner la chirurgie et la radiothérapie pour soigner le cancer. Le laboratoire annexé à l’hôpital, où l’on mène des recherches interdisciplinaires, est le prédécesseur de l’institut Jules Bordet actuel. L’année suivante, accompagné d’Adrien Bayet, son confrère, ils joignent leurs forces pour fonder la Ligue nationale belge contre le Cancer. Antoine Depage meurt le 10 juin 1925 à La Haye des suites d’une maladie de longue durée, laissant son projet inachevé.
Antoine Depage et la reine Élisabeth rendent visite aux blessés de guerre à La Panne en 1916. Dessin réalisé par le professeur Thiriar Bron: Loodts, P., ‘Le destin extraordinaire du Dr Depage est lié à la rencontre de trois anges blancs aux caractères exceptionnels’, Médecins de la Grande Guerre http://www.1914-1918.be/docteur_depage_ocean.php?PHPSESSID=4b3dfa57057a2e63500351015b1548b5, page consultée le 29 janvier 2020. |
Carrière politique
En 1908, Antoine Depage est élu conseiller communal à Bruxelles. Il plaide pour l’adoption d’une politique hospitalière adaptée à une population toujours croissante. Douze ans plus tard, il devient sénateur du Parti libéral de l’arrondissement de Bruxelles et soutient les initiatives promouvant l’amélioration de la santé publique. Il remplit sa fonction jusqu’à sa mort en 1925. Enfin, Antoine Depage est également membre de la loge maçonnique Charles Magnette entre 1914 et 1918.
Vie privée
En 1893, Antoine Depage se marie à Marie Picard, infirmière et nièce du professeur Héger, l’ancien mentor du chirurgien. Le couple a trois enfants ainsi que différents projets communs comme l’École Belge d’Infirmières Diplômées et l’hôpital-hôtel L’Océan. Marie Picard part aux États-Unis pour récolter de l’argent et rassembler des moyens pour cet hôpital. Elle meurt sur le chemin du retour dans le paquebot Lusitania, qui a été torpillé par les Allemands en 1915. La mort d’Edith Cavell, la même année, représente une seconde tragédie personnelle pour Antoine Depage : la Britannique a été fusillée, car elle aidait les soldats anglais à fuir les champs de bataille.
Prix, distinctions et affiliations
En 1886, Antoine Depage reçoit le prix de la Société Royale des Sciences Médicales et Naturelles pour sa thèse de doctorat sur les calculs biliaires.
En 1907, il devient membre de l’Académie royale de médecine de Belgique.
Il reçoit l’Ordre national de la Légion d’Honneur (France), la Army Distinguished Medal (USA) et le Très honorable ordre du Bain (Royaume-Uni) pour ses exploits durant la guerre.
Divers
Antoine Depage et le professeur Thiriar opèrent le roi Léopold II quelques jours avant son décès en 1909.
Travaux
Liste de publications sur : Union Catalogue of Belgian Libraries (Unicat), met zoekterm “Depage, Antoine”, <https://www.unicat.be/uniCat?func=search&uiLanguage=en&query=Depage%2C+Antoine>.
Littérature
‘Antoine Depage’, Académie Royale de Médecine de Belgique <http://www.armb.be/index.php?id=2349, pagina geraadpleegd op 29 januari 2020.
‘Antoine Depage (1862-1925)’, CHU | UVC Brugmann <https://www.chu-brugmann.be/nl/histo/depage.asp>, pagina geraadpleegd op 29 januari 2020.
Bodson, Arthur en Bertouille, Chantalle, Antoine Depage, chirurgien de guerre - sénateur, Series 4, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2011.
Depage Henri en Devèze, Albert, La vie d’Antoine Depage 1862-1925, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1956.
‘Hommage Antoine Depaege’, Bulletin de l’Académie Royale de Médecine de Belgique, 26 november 1962.
Helling, Thomas, S. en Daon, Emmanuel, ‘In Flanders Fields. The Great War, Antoine Depage, and the Resurgance of Débridement’, Annals of Surgery, 228.2 (1998), 173-181.
Loodts, P., ‘Le Destin Extraordinaire Du Dr Depage Est Lié à La Rencontre de Trois Anges Blancs Aux Caractères Exceptionnels’, Médecins de La Grande Guerre <http://www.1914-1918.be/docteur_depage_ocean.php?PHPSESSID=4b3dfa57057a2e63500351015b1548b5>, pagina geraadpleegd op X.
Van Ermengem, E., ‘Notice Antoine Depage’, Bulletin de l’Académie Royale de Médecine de Belgique, 27 juni 1925.
Verhoogen, J., ‘Eloge Antoine Depage’, Bulletin de l’Académie Royale de Médecine de Belgique, 25 januari 1930.