Que l’uranium congolais extrait par les Belges se retrouva entre les mains des Américains et précipita la fin de la Seconde Guerre Mondiale n’est plus un secret pour personne. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est le rôle important que les Belges jouèrent dans la promotion du radium à des fins médicales, comme le traitement du cancer. Entre 1923 et 1933, la Belgique domina même le marché mondial du radium, grâce à sa colonie, le Congo. Il était d’autant plus improbable qu’un pays aussi petit que la Belgique devienne un leader mondial du radium que les premières découvertes et expériences autour de cet élément nouveau avaient été réalisées par des étrangers.
Découverte et premiers usages du radium: trial and error
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Henri Bequerel Bron: Basdevant, Jean-Louis, ‘L’enseignement d’Henri Bequerel à L’Ecole Polytechnique (1895-1908)’, in: Bulletin de La Société Des Amis de La Bibliothèque et de l’histoire de l’Ecole Polytechique <https://journals.openedition.org/sabix/546?lang=en#quotation>, page consultée le 29 janvier 2020.
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Comme beaucoup d’autres phénomènes physiques, les matériaux radioactifs et la radioactivité furent découverts suite à d’heureux (ou malheureux) hasards. Le physicien et ingénieur français Henri Becquerel découvrit à ses dépens que le radium, élément découvert par Pierre et Marie Curie en 1898, était radioactif. Il avait laissé un tube de radium dans la poche de son manteau, ce qui finit par le brûler. Les rayons du radium furent rapidement considérés comme une alternative aux rayons X que Wilhelm Röntgen, physicien et ingénieur allemand, avait découvert en 1895. Celui-ci avait, par hasard, placé sa main devant un faisceau lumineux sortant d’un tuyau mis sous pression, et la vit apparaître sur un écran fluorescent.[1]
La main de Röntgen s’illuminait grâce à l’énergie produite lorsque les électrons (les particules négatives d’un atome) se heurtent aux pôles du tuyau. Les cellules de la peau de Becquerel furent brûlées par le rayonnement produit lorsqu’un atome instable dégage de l’énergie pour atteindre un état atomique plus stable et moins dense en énergie. À la fin du XIXe siècle, les scientifiques n’en savaient pas encore assez de la structure des atomes pour comprendre le phénomène du rayonnement radioactif. Pour en apprendre davantage, ils se mirent à faire des expériences, utilisant leurs propres corps comme cobayes. Les lésions qu’ils en retirèrent ne les effrayèrent pas, au contraire. Des scientifiques comme Marie Curie comprirent assez rapidement que les rayons alors découverts avaient un énorme potentiel en matière d’imagerie médicale et de traitements de toutes sortes de maladies, comme le cancer.
À force d’essais et d’erreurs, les scientifiques développèrent toutes sortes de techniques médicales, allant de l’injection de radium sous la peau à l’exposition des tumeurs aux radiations du radium. Cette fois, c’étaient les patients qui servaient de cobayes, en échange d’un espoir de guérison. Au cours des premières années du XXe siècle, les scientifiques et les médecins obtinrent rapidement des progrès : les patients voyaient leurs tumeurs se réduire et leur souffrance diminuer. Aveuglés par ces premiers résultats, les scientifiques faisaient peu de cas des effets secondaires néfastes mais encore peu étudiés, tels que les nausées ou les tumeurs nouvelles, observées aussi bien chez le patient que chez le médecin. Tous les acteurs en présence étaient animés par l’optimisme et la foi dans le progrès scientifique. Des instituts du radium furent érigés dans différentes villes européennes. De tels développements ne pouvaient laisser les scientifiques et les médecins belges indifférents.
La Belgique et l'extraction et la thérapie du radium: petit pays, impact majeur
Un début difficile: exemples étrangers et pénuries de radium
Vers la fin du XIXe siècle, le traitement du cancer en Belgique n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements, aussi bien du point de vue des disciplines scientifiques susceptibles d’y contribuer, comme la chimie, que de la médecine ou de l’infrastructure de santé publique. Le cancer était souvent regardé comme une maladie tragique et incurable, avec des « blessures suppurantes » et des « glandes rouges-bleues » affreusement douloureuses.[2] À partir du début du XXe siècle, une nouvelle génération de scientifiques et de médecins se lança dans des recherches scientifiques sur la radioactivité et le traitement du cancer, ils en appelèrent à l’organisation de services sanitaires spécifiquement dédiés à ce but en Belgique. Au début, ils s’inspirèrent de l’étranger. Ils se tenaient au courant des dernières nouveautés internationales grâce aux revues et aux conférences. Ils perfectionnèrent aussi des techniques développées par leurs collègues français, allemands ou britanniques, comme la curiethérapie (qui consiste à approcher un radio-isotope de la zone du corps à traiter). Des institutions furent aussi constituées sur base d’exemples voisins. En 1891, la Croix Rouge belge, fondée par le Suisse Henry Dunant en 1864, fut transformée en une institution d’utilité publique. En 1908, sa Direction de la Santé publique créa une commission pour l’étude du cancer.
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Homme portant des tubes de radium contre sa tumeur. Source: Van Helsland, Daphné, (Be)stralende geneeskunde: radio- en radiumtherapie als behandeling van kanker in België van 1895 tot 1945, mémoire de fin d’étude inédit, KU Leuven, année académique 2018-2019, p. 65.
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Une fois que les Belges avaient du radium, ils développèrent leurs propres innovations et organisations. Walter Mund, un chimiste enseignant à l’Université de Louvain, eut l’honneur de faire partie des premiers Belges à étudier le radium au célèbre Institut du Radium de Paris, fondé par les Curie. Au départ, des médecins de différentes disciplines se sont intéressés au cancer et au radium. Ce n'est qu'à la fin de sa longue carrière axée sur le traitement des blessures de guerre qu'Antoine Depage s'est intéressé au cancer. Adrien Bayet, lié à l’Université Libre de Bruxelles, utilisait son expérience des maladies vénériennes pour étudier le cancer. Félix Sluys et Joseph Maisin ont été les premiers médecins vraiment spécialisés dans le cancer et le radium et qui se consacraient entièrement à l'oncologie et à la radiologie. Tous les deux avaient étudié à l'étranger dans des institutions renommées, comme l'Institut Rockefeller. C'est cette génération de médecins qui a préconisé de considérer le cancer comme un "fléau" social, à "combattre" par la coopération scientifique et sociale, plutôt que comme une maladie individuelle incurable.
Ces médecins étudièrent aussi comment adapter le rayonnement au type de cancer à traiter et comment combiner ce traitement avec des opérations chirurgicales. Les progrès réalisés n’empêchèrent pas les premiers doutes d’émerger, principalement en raison du coût et de la rareté du radium. Avec l’embrasement de la Première Guerre Mondiale, les recherches scientifiques et médicales furent mises au point mort. Néanmoins, suite à ce conflit, Marie Curie en personne parcourut le Westhoek, accompagnée de sa fille Irène (qui marchaient sur les traces de sa mère), afin d’équiper les hôpitaux militaires d’appareils radiographiques. Après la guerre, la recherche scientifique et médicale se développa très rapidement en Belgique ; et ce, principalement grâce au Congo, l’immense territoire que la Belgique détenait depuis 1908.
Le boom du radium (1922-1932)
De Shinkolobwe à Olen
Shinkolobwe, au cœur du Katanga, la plus industrialisée de toutes les provinces du Congo, en 1915. Robert Rich Sharp, un prospecteur britannique et autodidacte, renommé pour sa grande moustache, qui travaillant pour l’Union Minière du Haut-Katanga, la plus grande entreprise minière du Congo, est à la recherche de cuivre et d’aventure. Du cuivre, il n’en trouva guère ; mais il rencontra bel et bien l’aventure. Il tomba en effet sur un gisement contenant de l’uranium et du radium à profusion. Inconscient des conséquences inouïes de sa découverte, il marqua l’emplacement du gisement à l’aide d’un simple bout de bois. L’UMHK et la Société Générale de Belgique (SGM), le puissant holding qui contrôlait l’entreprise – et une bonne partie du reste de l’économie de la colonie belge, par la même occasion – n’attendirent pas la fin de la Première Guerre Mondiale pour lancer l’extraction de l’uranium et du radium. En deux temps trois mouvements, Shinkolobwe était transformée en exploitation minière, grouillant d’ouvriers congolais. En Belgique, dans la commune d’Olen (Province d’Anvers), une usine de la Société Générale Métallurgique d’Hoboken (là encore, une dépendance de la SGM) sortit bientôt de terre. C’est là que le radium et l’uranium étaient isolés, conditionnés et empaquetés pour être envoyés aux clients.
Un an seulement s’écoule entre le premier arrivage de 12 tonnes d’uranium congolais sur le sol belge, en 1921, et la production du premier gramme de « radium belge », en 1922. Parce que les concurrents américains renoncent à leurs activités, l’UMHK, soutenue par le gouvernement belge, ne tarda pas à dominer le marché mondial de l’uranium. Au milieu des années 20, l’entreprise fournissait 80% du radium au monde. Mieux encore, le géant minier katangais possédait même ce matériau en excédent. Mais la production et l’exportation du radium était gardées secrètes, afin de dérouter la concurrence.
Les accusations ne tardèrent pas à pleuvoir, surtout de la part des Britanniques, qui accusèrent l’UMHK de vendre le radium à un prix artificiellement élevé. On reprocha à l’entreprise de ne se soucier que de son profit, au mépris des malades à l’agonie qui ne pouvaient pas se payer les traitements au radium encore trop onéreux. Certains médecins britanniques allèrent même jusqu’à se suicider en signe de protestation. Le gouvernement britannique en appela en vain à la Ligue des Nations, dans l’espoir de pouvoir mettre l’UMHK hors jeu. Celle-ci resta intraitable, à l’initial. Au cours des années 30, les prix baissèrent lentement - tout simplement parce que l’UMHK produisait et vendait beaucoup de radium. En 1933, un gramme de radium ne coûtait plus « que » 55 000 $.[3]
De Louvain à Spa
L’UMHK et la SGB comprirent rapidement que seule la démocratisation des prix du radium leur permettraient de vraiment faire du bénéfice. Toujours soutenue par le gouvernement belge, l’entreprise créa un département commercial qui promut le radium comme un nouveau remède miracle, à la portée de toutes les bourses. Le coup de pub le plus remarquable et le plus efficace – suggéré par le Ministre des Colonies Louis Franck – fut la vente de radium à la Fondation Universitaire, qui prêta le minerai aux centres de recherche universitaires et aux hôpitaux. Ceux-ci purent ensuite mettre au point des traitements relativement bon marché, grâce à des subsides publics. C’est ainsi que s’ouvrit le court mais intense « âge d’or » de la radiothérapie belge.
Des quatre universités qui purent compter sur la générosité des pouvoirs publics et de l’UMHK, ce fut Louvain qui eut le plus de succès. L’Université de Louvain comptait dans ses rangs certains des meilleurs experts en la matière, comme Joseph Maisin. Le recteur magnifique, Monseigneur Paulin Ladeuze, veilla à ce qu’il reçoive la toute nouvelle chaire de « pathologie anatomique, radiologie et cancérologie ». Deux années plus tard, Maisin fut promu professeur et créa l’Institut d’anatomie pathologique. Cette institution, mieux connue sous le nom d’ « Institut du Cancer », fut en partie construite grâce à des crédits publics, et en partie grâce à des collectes levées au nom de « l’honneur de la communauté catholique ». [4] L’Institut disposait d’appareils de thérapie par télécurie et par rayons X, d’un service radiologique et chirurgique, d’une équipe de médecins et d’infirmières (surnommées les « demoiselles de la télé ») et d’une bombe au radium[5] Il s’agissait d’un appareil avec lequel on exposait les patients, enfermés dans un bunker souterrain spécialement construit à cet effet, à de grandes quantités de radium. Les chercheurs étrangers étaient terriblement impressionnés par l’expertise, les capacités d’organisation et les résultats prometteurs qu’affichaient les « Petits Belges ».
D'autres villes belges bourdonnaient également d'activité médicale. Depage préside la Croix-Rouge belge, au sein de laquelle un Institut du radium fut créé à Berkendael sous la direction de Sluys. Les deux médecins traitent les patients dans leurs hôpitaux à Bruxelles. En 1924, Depage et Bayet ont fondé conjointement la Ligue nationale belge contre le cancer.
En raison de leur réputation, les médecins belges attiraient des patients du monde entier. En 1924, nul autre que Giacomo Puccini, le célèbre compositeur d'opéra italien connu pour Madame Butterfly, frappa à la porte de Sluys à Ixelles. L'Italien souffrait depuis des années d'un mal de gorge et de plusieurs toux, causés par une tumeur à la gorge, résultat d'une dépendance au tabac. Les médecins italiens n'avaient pas seulement envoyé Puccini à Sluys, au lieu de médecins berlinois, en raison de son expertise. Sluys a également été choisi parce qu'il parlait italien, qu'il avait de nombreuses relations en tant que mélomane et figure centrale du monde culturel bruxellois, et que les relations entre l'Italie et la Belgique étaient bonnes. Un climat de coopération intellectuelle était donc un élément crucial qui facilitait l'échange d'expertise scientifique. Puccini aimait Bruxelles et était convaincu qu'après une opération rapide et réussie, il aimerait la ville encore plus. D'énormes efforts furent déployés pour donner au compositeur un traitement adapté à son statut. Par exemple, on lui donna du champagne par le nez, ce qui n'était pas possible pour tous les cancéreux. En vain. Après son opération qui dura plus de trois heures, Puccini souffrit beaucoup et il s'évanouit. Il mourut d'une crise cardiaque causée par un saignement abondant. Sluys n'avait jamais dit à l'Italien que son état était si mauvais qu'il y avait peu d'espoir de guérir. Des déclarations de soutien sont venues de tous les coins, y compris de la famille royale belge. Les journaux belges et étrangers fournirent une couverture photographique complète du service funéraire de Puccini. Il s'agissait de rappels très publics du fait que les Belges ne pouvaient pas faire de miracles.
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Nouvelles de la mort de Puccini Source: Giacomo Puccini: Mori Con Liu, Brussel, Lucchesi nel Mondo, 1994.
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Les Belges furent aussi à l’origine de nouvelles techniques. Mund mit sur le marché un appareil qui produisait une eau radioactive. Les malades pouvaient boire cette eau, s’y baigner et, mélangée avec de la boue, s’en enduire au Centre d’Emanotherapie de Spa. Il était même possible de se faire livrer de petites bouteilles à la maison, avec une dose personnalisée de radium. La frontière entre médecine et charlatanisme devenait assez tenue. Ceux qui manquaient d’expertise mais avaient le sens des affaires vendaient du radium mélangé à de la vaseline, ou sous forme de poudre. De tels médicaments étaient vus comme de véritables panacées contre toute une série de maladies, voire même comme des produits de beauté miraculeux. Les premiers doutes à l’égard des dommages causés par le radium et le manque de protection pour les personnes qui travaillaient directement en contact avec ce matériau, étaient ignoré à leurs risques et périls. L'histoire d'horreur de l'homme qui buvait avidement plus de 1000 bouteilles d'eau au radium jusqu'à ce que sa mâchoire tombe et finisse par mourir, n'était qu'une des nombreuses histoires qui circulaient.
L’éclatement de la bulle du radium : 1932-1945
Au début des années 30, des tentatives eurent lieu en vue de centraliser les différents services de traitement du cancer opérant sur le territoire belge, et de stimuler la collaboration interdisciplinaire, en vue d’optimiser les techniques de guérison et d’économiser le radium. L’incompréhension et la méfiance mutuelles mirent un frein à ce plan de collaboration entre médecins, chirurgiens et chimistes. Les tensions entre néerlandophones et francophones, ainsi qu’entre catholiques et libres-penseurs, empêchaient une meilleure coordination entre services universitaires et organisations nationales. Parfois, des questions personnelles ont également joué un rôle. Un projet de fusion entre la Ligue contre le cancer et l'Institut du radium de la Croix-Rouge a été échangé contre une simple coopération améliorée après la mort subite de Depage en 1925. Plusieurs personnes, comme Maisin et le professeur Zénon Marcel Bacq, qui était associé à l'ULB et à l'Université de Liège, ont uni leurs forces, permettant à la recherche oncologique, radiologique et immunologique de s'épanouir. En dépit de ces succès individuels, l’inertie et les rivalités institutionnelles, dont les effets se firent sentir jusque dans les années 60, engendrèrent de nombreuses frustrations chez les médecins belges. Maisin avertit le recteur louvaniste Albert Descamps que ces problèmes pourraient coûter à Louvain sa pole position.[6]
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L'appareil de Mund Source: Mund, Walter, Les Bases Physico-chimiques de l’Emanothérapie, Spa, Compagnie fermière des eaux et bains, 1928.
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Les premiers nuages s’amoncelèrent au-dessus de Shinkolobwe et d’Olen, lorsque l’UMHK perdit son « glorieux monopole d’avant-guerre. »[7] Bien que l’entreprise ait convenablement digéré la Grande Dépression des années 30, elle peinait de plus en plus à faire face à ses nouveaux concurrents canadiens. Au début, les Belges pouvaient encore profiter de leur position de meneurs de peloton. Ils jouaient de plus en plus la carte de la coopération internationale, et stimulaient la collaboration et l’échange d’informations par-delà les frontières. La Belgique intégra ainsi l’Union for International Cancer Control, une organisation intergouvernementale qui soutenait la collaboration internationale en matière de recherche, de traitement et de prévention du cancer. Maisin en devint le secrétaire-général (1935) puis le président (1953-1958).
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, l’Institut du Cancer louvaniste fut occupé par les Allemands et les appareils furent endommagés par les bombardements. Les Allemands confisquèrent même le radium, ce qui mit toute la radiothérapie à l’arrêt pendant cinq mois. Lorsque après de longues négociations, l’Occupant rendit les grammes confisqués, l’UMHK décida de donner elle aussi quelques grammes. En 1943, Maisin pouvait fièrement annoncer une grande première : l’Institut du Cancer de Louvain possédait la plus grande bombe au radium du monde. [8] L’institution devint rapidement un des fleurons de l’industrie belge du radium.
Bien que la radiothérapie continuât à être utilisée dans les années 40 et 50, le pessimisme gagnait les esprits, vu le coût du radium et sa nocivité. Il fut progressivement remplacé, dans les expériences et les traitements, pour du cobalt ou des rayons X, tandis que la chimiothérapie faisait son apparition. L’utilisation des matériaux radioactifs comme armes nucléaires nuisit fortement à l’image du radium. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Belgique et le Congo, mondialement connus avant 1940 pour leur radium, furent à nouveau au cœur d’une nouvelle controverse nucléaire mondiale, cette fois autour du rôle de l’uranium.</br>
L’héritage et l’image du radium aujourd’hui.
Le 6 août 1945, les Américains larguèrent la bombe atomique « Little Boy », fabriquée à partir d’uranium congolais, sur la ville japonaise d’Hiroshima. Cela ne causa pas seulement la fin de la Seconde Guerre Mondiale, mais constitua aussi un tournant dans l’histoire du nucléaire en Belgique et partout dans le monde. Dans les années qui suivirent, des voix s’élevèrent toujours plus fortes pour exiger que l’énergie nucléaire soit cantonnée à des applications pacifiques. En la matière, des Belges, comme Pierre Ryckmans, l’ancien vice-gouverneur-général du Congo belge, jouèrent un rôle-clef. L’Atomium, à Bruxelles, construite à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1958, symbolisait une nouvelle forme d’optimisme à l’égard du nucléaire. Shinkolobwe fut à nouveau placée sur le devant de la scène, en fournissant de l’uranium à la première centrale nucléaire de Belgique. Malgré ce bel effet de publicité, la mine s’épuisait peu à peu. Elle ne fut fermée qu’en 2004. L’usine d’Olen eut une agonie moins longue : elle fut fermée en 1975 et démolie dans les années 1980.
Aujourd’hui, le radium n’a pas complètement disparu. À la station thermale de Jáchymov, la variante tchèque des thermes radioactifs de Spa, il est encore possible de plonger dans un bain de radium pour soulager ses douleurs et booster sa vigueur sexuelle. Les terrils radioactifs d’Olen et de Shinkolobwe se dressent encore, tels des avertissements silencieux à l’égard des effets nuisibles de ce matériau. Les matières radioactives ont petit-à-petit investi notre mémoire et notre imaginaire collectifs. Sharp, l’explorateur britannique qui avait découvert le gisement, participa lui-même au mythe du radium en se dépeignant dans ses mémoires comme un héros ayant changé la face du monde. De célèbres médecins belges, comme Bayet, vivent aujourd’hui encore à travers des noms de rues ou d’hôpitaux.
Le film Radium Girls (2018), réalisé par Lydia Dean Pilcher et Ginny Mohler, relate l’histoire des femmes qui furent soumises à l’empoisonnement au radium en peignant des aiguilles d’horloges avec de la peinture fluorescente. Dans le roman The Laughing Monsters (2014), de Denis Johnson, le morceau d’uranium de la mine de Shinkolobwe occupe un rôle spécial. Ce genre de productions culturelles montrent bien comment l’imagination et la réalité, l’optimisme et le danger se côtoient en permanence dans l’histoire du plus célèbre produit d’exportation belge entre 1923 et 1933, le radium.[9] Cette histoire attend encore que des travaux mettent en lumière le rôle important joué par des Belges dans le boom et bust du radium, ainsi que dans ses métamorphoses, d’une des matières les plus rares et chères de la planète en une simple marchandise que le citoyen lambda pouvait utiliser afin de se poudrer contre tous ses petits bobos – pour le meilleur et pour le pire.
Litérature
Adams, Anne, ‘The Origins and Early Development of the Belgian Radium Industry’, in: Environment International, 19 (1993), 491–501.
Balduck, Paul, ‘Marie en Irène Curie aan het IJzerfront’, Mens & Molecule <https://www.mensenmolecule.be/verenigingen/marie-en-irene-curie-aan-het-ijzerfront>, page consultée le 29 janvier 2020.
Barbé, Luc, België En de Bom. De Rol van België in de Proliferatie van Kernwapens <http://www.lucbarbe.be/sites/default/files/boek/files/Belgie-en-de-bom.pdf>, PDF consultée le 29 janvier 2020.
Basdevant, Jean-Louis, ‘L’enseignement d’Henri Bequerel à L’Ecole Polytechnique (1895-1908)’, in: Bulletin de La Société Des Amis de La Bibliothèque et de l’histoire de l’Ecole Polytechique <https://journals.openedition.org/sabix/546?lang=en#quotation>, page consultée le 29 janvier 2020.
Cottyn, Hans, ‘De Belg, de Brit En de Bom’, De Standaard, 11 april 2015.
Franciosi, Maria Laura, ‘The day when Giacomo Puccini died in Brussels’, Brussels Express, <https://brussels-express.eu/day-giacomo-puccini-died-brussels/>, page consultée le 29 janvier 2020.
Giacomo Puccini: Mori Con Liu, Brussel, Lucchesi nel Mondo, 1994.
Hens, Tine, ‘Stralen in Het Radium Palace’, MO*magazine, 2019 <https://www.mo.be/column/stralen-het-radium-palace>, page consultée le 29 janvier 2020.
‘La Chute d’Anvers et La Question de La Presse Vues Par Adrien Bayet’, Archives et Musée de La Littérature <http://1418.aml-cfwb.be/chronologie/1914/10/bayet>, page consultée le 29 janvier 2020.
Mund, Walter, Les Bases Physico-chimiques de l’Emanothérapie, Spa, Compagnie fermière des eaux et bains, 1928.
‘Radium Girls’, IMDb <https://www.imdb.com/title/tt6317180/>, page consultée le 29 janvier 2020.
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Van Helsland, Daphné, (Be)stralende geneeskunde: radio- en radiumtherapie als behandeling van kanker in België van 1895 tot 1945, Onuitgegeven masterthesis, KU Leuven, academiejaar 2018-2019.
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Vanpaemel, Geert, ‘De Natuurkunde’, in: Geschiedenis van de Wetenschappen in België. 1815-2000, ed. by Despy-Meyer, André, Halleux, Robert, Vandersmissen, Jan, Vampaemel, Geert, Brussel, Dexia Bank, 2001, 125-142.
Références
- ↑ Röntgen observa aussi la première radiographie, en exposant la main de son épouse à des rayons X.
- ↑ Vandendriessche, Joris, Zorg en Wetenschap: een Geschiedenis van de Leuvense Academische Ziekenhuizen in de Twintigste Eeuw, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2019, p. 61.
- ↑ Adams, Anne, ‘The Origins and Early Development of the Belgian Radium Industry’, in: Environment International, 19 (1993), 499.
- ↑ Vandendriessche, Joris, Zorg en Wetenschap: een Geschiedenis van de Leuvense Academische Ziekenhuizen in de Twintigste Eeuw, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2019, p. 62. en Van Helsland, Daphné, (Be)stralende geneeskunde: radio- en radiumtherapie als behandeling van kanker in België van 1895 tot 1945, Onuitgegeven masterthesis, KU Leuven, academiejaar 2018-2019, p. 36.
- ↑ Vandendriessche, Joris, Zorg en Wetenschap: een Geschiedenis van de Leuvense Academische Ziekenhuizen in de Twintigste Eeuw, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2019, p. 86.
- ↑ Vandendriessche, Joris, Zorg en Wetenschap: een Geschiedenis van de Leuvense Academische Ziekenhuizen in de Twintigste Eeuw, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2019, p. 62.
- ↑ Adams, Anne, ‘The Origins and Early Development of the Belgian Radium Industry’, in: Environment International, 19 (1993), 491.
- ↑ Vandendriessche, Joris, ‘De grootste bom ter wereld’, Cultuurgeschiedenis.be, <http://cultuurgeschiedenis.be/de-grootste-bom-ter-wereld/>, pagina geraadpleegd op 13 december 2019
- ↑ ‘Radium, made in Belgium’, EOS Wetenschap, <https://www.eoswetenschap.eu/natuurwetenschappen/radium-made-belgium>, pagina geraadpleegd op 13 december.
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