Oratio De Utilitate Studii Historiae Scientiarum Physicarum (1819)

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Il y a deux cents ans, le 8 juin 1821, mourait Franz-Peter Cassel, professeur de botanique et deuxième recteur de la toute nouvelle Rijksuniversiteit Gent. Remarquable, cependant, est son discours de recteur de 1819, dans lequel il plaide ardemment en faveur de l'étude de l'histoire des sciences.




Oratio De Utilitate Studii Historiae Scientiarum Physicarum (1819)


Dans les universités d'État fondées par Guillaume Ier, un recteur devait être nommé chaque année, choisi alternativement dans chacune des quatre facultés. En 1818, c'est au tour du botaniste Franz-Peter Cassel (1784-1821). La tâche d'un recteur était plutôt administrative, mais à la fin de son rectorat, on attendait de lui qu'il fasse un discours public. Ces discours portaient généralement sur les développements dans le domaine d'étude du recteur. Cassel, cependant, a choisi un sujet plus large et plus philosophique. Le 4 octobre 1819, il prononce un discours en latin sur l'utilité d'étudier les sciences naturelles. Le texte a été publié peu après dans une traduction française dans les Annales belgiques des sciences, arts et littératures.

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Une histoire de progression

Avec quels arguments Cassel défendait-il l'étude de l'histoire des sciences ? Cassel en mentionne les principaux : "bien apprendre ces sciences, écarter les préjugés qui en arrêtent le progrès, et augmenter le domaine de la philosophie naturelle." L'histoire des sciences enseignait comment les idées étaient nées, comment elles avaient surmonté l'opposition initiale et comment elles avaient finalement triomphé. Pour Cassel, l'histoire des sciences est une histoire de progrès, et elle est souvent due à la manière exemplaire dont des chercheurs tels que Newton, Euler ou Lavoisier ont réussi à obtenir des connaissances plus approfondies à partir d'observations précises. Le cœur de ce progrès se trouve donc chez Francis Bacon, qui a établi les bases de la méthode scientifique.

L'histoire des sciences a permis de retracer non seulement les origines mais aussi les effets des idées. Non moins important était l'exemple moral du savant tenace et bien résolu, "brûlant du seul désir de connaître la nature". L'histoire a été une leçon de vie pour le jeune scientifique.

“C’est là, dans l’histoire des sciences, que nous apprenons et ce que peut la nature pour créer le génie, et ce que peut le génie pour dévoiler la nature; car ce qui entretient, ce qui fortifie cette admirable patience des naturalistes, c’est l’espoir de dévouvrir les lois générales de la nature; découverte que la raison seule ne peut se promettre, mais dans laquelle, quand l’observation la lui fait faire, elle trouve la plus douce des jouissances.”

L'histoire des sciences a également ouvert la voie à l'émerveillement et à la contemplation de la nature, aux lois éternelles et immuables du cosmos, et à leur créateur divin. Cassel fait ici référence au microscopiste néerlandais Jan Swammerdam (1637-1680), qui a exploré les secrets de la nature dans l'anatomie des insectes, considérés comme les plus insignifiants de tous les animaux. Pourtant, Cassel a également fait une distinction nette entre la science et la foi. Son jugement sur Swammerdam, qui a abandonné la recherche scientifique pour rejoindre une secte religieuse, est sévère : "il cessa à-la-fois de travailler et de vivre".


Tradition et innovation

Mais l'utilité de l'histoire des sciences ne se limite pas à l'étude des découvertes fondamentales et des grands exemples. L'histoire nous apprend également comment les sciences se sont épanouies et comment la pensée scientifique s'est continuellement greffée sur les travaux des prédécesseurs. Une percée scientifique n'est pas seulement le résultat d'une découverte inattendue ou d'un coup de génie, mais également le résultat de la manière dont les connaissances des générations précédentes ont été conservées et examinées. En prenant note de l'état de la science dans les siècles précédents, il était possible d'apprécier le développement de la science contemporaine.

Cassel a trouvé une troisième forme d'utilité dans l'aperçu que l'histoire offrait sur les facteurs qui entravaient le progrès des sciences. Il a notamment évoqué l'admiration aveugle des humanistes de la Renaissance pour la culture antique des Grecs et des Romains. Cela avait conduit les botanistes du XVIe siècle à prendre pour seul guide les textes de Théophraste, Pline et Dioscoride. Mais ils découvrirent bientôt que toutes les plantes trouvées en France et en Allemagne ne pouvaient pas être retrouvées chez les auteurs classiques.

Un autre obstacle était la préférence, dans l'Antiquité et au Moyen Âge, pour le secret de la connaissance, selon lequel seuls les initiés avaient accès aux vérités les plus profondes. Cassel a l'air très moderne ici.

“Nous ne sommes plus dans le siècle des secrets et des mystères; le temple des sciences est ouvert à tous les curieux. […] Cette manière de ne plus regarder les idées, les inventions nouvelles, comme une propriété particulière, mais comme un bien commun, une partie du domaine public, a je ne sais quoi de plus digne d’un philosophe, de plus convenable à l’esprit philantropique qui doit animer les savans. Et en effet la vérité ne peut causer aucun dommage; ce n’est pas la science qui est à craindre, c’est l’ignorance; ce n’est point en plein jour que l’on court des dangers, c’est dans les ténèbres.”
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En outre, Cassel a mis en garde contre une autre menace, plus actuelle, qui pèse sur les sciences, à savoir qu'elles sont considérées par beaucoup comme une forme de divertissement. Les expériences physiques ou les collections d'histoire naturelle sont considérées comme de simples amusements ou curiosités, "opinion moins rare qu'on ne croit". Quel est le but de la science ? En effet, il n'est pas facile de répondre à cette question, car son utilité pratique immédiate n'est pas toujours évidente. La science doit être pratiquée pour elle-même, pensait Cassel. Il a ses droits intrinsèques et indépendants. Son utilité pratique suivra naturellement pour ceux qui la cultivent. "Le premier savant à étudier les propriétés des sections coniques n'avait aucune idée que les projectiles suivaient une trajectoire parabolique, et que les corps célestes se déplaçaient sur des orbites elliptiques." Cassel n'avait aucun doute à ce sujet : "Il n'y a pas de doute que les découvertes des sciences physiques ne puissent avoir la plus heureuse influence sur l'amélioration de l'ordre social et l'augmentation du bonheur public." C'est précisément l'histoire des sciences, à travers sa longue séquence d'idées et d'applications, qui a su montrer comment l'étude de la nature conduisait toujours au progrès de la culture et à l'accroissement de la prospérité. Enfin, dans la considération historique des sciences, il était possible de trouver les germes de ce que l'avenir apporterait.


Les sciences sous Guillaume I

À la fin de son discours, Cassel s'adresse à Guillaume Ier, "le meilleur des monarques", qui a fondé l'université de Gand. Le rôle des princes éclairés dans le progrès de la science avait déjà été suffisamment démontré dans l'histoire. Cassel n'a pas manqué de souligner la politique énergique de Guillaume Ier en matière de soutien aux sciences avec la construction de collections scientifiques, d'instruments physiques et chimiques, de jardins botaniques et de théâtres anatomiques. La journée a également été marquée par la pose de la première pierre de l'Aula de Gand par le baron Falck, ministre plénipotentiaire de Guillaume Ier.

Il n'est pas possible de déterminer si le message de Cassel en faveur de l'histoire des sciences a été bien accueilli par ses auditeurs. Cassel n'a pas joué sur les sentiments patriotiques. Il a mentionné un nombre raisonnable d'érudits des Pays-Bas : Swammerdam, Ruysch, Schrader, Huygens, Boerhaave, Vesalius, Van Helmont et Dodoens, mais sans faire de lien particulier avec la situation actuelle du Royaume-Uni des Pays-Bas. Il est possible que son discours ait impressionné l'un des étudiants diplômés de l'Université de Gand en 1819 qui, comme Cassel, s'était beaucoup intéressé à l'histoire des sciences: Adolphe Quetelet.

Pour Cassel, il n'y a pas eu de suivi de son discours. Au printemps 1820, il doit cesser d'enseigner pour des raisons de santé. Il est décédé l'année suivante, le 8 juin 1821.



Bibliographie