Difference between revisions of "Les réfugiés : un phénomène intemporel"
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'''Des kilomètres de barbelés. L'Europe se tourne de plus en plus souvent vers cette solution face à la crise des réfugiés. L'atmosphère du débat politique est tendue. « Les réfugiés coûtent de l'argent », entendons-nous dans notre propre pays. Toutefois, à travers l'histoire belge, on retrouve de nombreux exemples de réfugiés qui enrichirent la Belgique. Notamment en matière de science. Et l’inverse est également vrai: des scientifiques belges ont fui la Belgique et reçu un accueil chaleureux en territoire plus sûr, où ils bénéficièrent de nombreuses opportunités pour poursuivre leurs recherches. Pour un pays d’accueil capable d'exploiter le potentiel des scientifiques expatriés, c'était une expérience enrichissante. ''' | '''Des kilomètres de barbelés. L'Europe se tourne de plus en plus souvent vers cette solution face à la crise des réfugiés. L'atmosphère du débat politique est tendue. « Les réfugiés coûtent de l'argent », entendons-nous dans notre propre pays. Toutefois, à travers l'histoire belge, on retrouve de nombreux exemples de réfugiés qui enrichirent la Belgique. Notamment en matière de science. Et l’inverse est également vrai: des scientifiques belges ont fui la Belgique et reçu un accueil chaleureux en territoire plus sûr, où ils bénéficièrent de nombreuses opportunités pour poursuivre leurs recherches. Pour un pays d’accueil capable d'exploiter le potentiel des scientifiques expatriés, c'était une expérience enrichissante. ''' | ||
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+ | |width="100"|'''Jean Garnier était recteur de l’Université de Gand de 1822 à 1823.'''<small>Source: [http://www.beeldarchief.ugent.be/fotocollectie/rectorengalerij/ Rectorengalerij Universiteit Gent]</small> | ||
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Le début du XIXe siècle en France pourrait être décrit comme un jeu de balle entre les républicains et les royalistes. A chaque fois que le pouvoir changeait de bord, les hommes et femmes du camp des vaincus prenaient la fuite. Il n'était pas rare qu'ils aboutissent dans nos régions. En comparaison avec la France, la ‘Belgique’ – qui faisait alors partie du Royaume-Uni des Pays-Bas – était un havre de paix et de stabilité. C'est surtout Bruxelles qui les attirait, par son ambiance de tolérance et son usage du français comme langue véhiculaire. Le flux des réfugiés dans la capitale du Brabant était si grand que le gouvernement de La Haye commença à s’inquiéter quelque peu. | Le début du XIXe siècle en France pourrait être décrit comme un jeu de balle entre les républicains et les royalistes. A chaque fois que le pouvoir changeait de bord, les hommes et femmes du camp des vaincus prenaient la fuite. Il n'était pas rare qu'ils aboutissent dans nos régions. En comparaison avec la France, la ‘Belgique’ – qui faisait alors partie du Royaume-Uni des Pays-Bas – était un havre de paix et de stabilité. C'est surtout Bruxelles qui les attirait, par son ambiance de tolérance et son usage du français comme langue véhiculaire. Le flux des réfugiés dans la capitale du Brabant était si grand que le gouvernement de La Haye commença à s’inquiéter quelque peu. | ||
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br/> Le célèbre mathématicien [[Garnier, Jean-Guillaume (1766-1840) | Jean Garnier]] était lui aussi un Belge issu de l'immigration. Dans ses mémoires, il décrit la vie dans son pays natal comme : «période d’angoisses et de dangers personnels» <ref> A. Quetelet, [http://www.archive.org/stream/annuairedelacad05belggoog#page/n165/mode/1up "Notice sur Jean-Guillaume Garnier"], in ''Annuaire de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles'', 7 (1841), 163.</ref> Pas plus que Drapiez, Garnier n'avait soupçonné qu'il finirait ses jours hors de “la douce France”. Il avait cependant l'avantage d'avoir déjà acquis une certaine réputation. L’[[Université de Gand]] lui avait offert une belle position en tant que professeur. Garnier avait saisi cette opportunité avec enthousiasme afin de gagner des horizons meilleurs. | br/> Le célèbre mathématicien [[Garnier, Jean-Guillaume (1766-1840) | Jean Garnier]] était lui aussi un Belge issu de l'immigration. Dans ses mémoires, il décrit la vie dans son pays natal comme : «période d’angoisses et de dangers personnels» <ref> A. Quetelet, [http://www.archive.org/stream/annuairedelacad05belggoog#page/n165/mode/1up "Notice sur Jean-Guillaume Garnier"], in ''Annuaire de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles'', 7 (1841), 163.</ref> Pas plus que Drapiez, Garnier n'avait soupçonné qu'il finirait ses jours hors de “la douce France”. Il avait cependant l'avantage d'avoir déjà acquis une certaine réputation. L’[[Université de Gand]] lui avait offert une belle position en tant que professeur. Garnier avait saisi cette opportunité avec enthousiasme afin de gagner des horizons meilleurs. | ||
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Drapiez et Garnier s'estimaient heureux de pouvoir continuer leur carrière scientifique dans un nouveau port d'attache. Mais leur pays d'accueil tira lui aussi profit de ces immigrés. Ainsi, par exemple, le [[Jardin botanique national de Belgique]] doit en grande partie son existence à Drapiez. Celui-ci n'était pas seulement l'un des initiateurs de la fondation du jardin botanique ; la réalisation effective du projet devait aussi beaucoup à ses relations. Garnier, quant à lui, arrivait à point nommé. Au début du XIXe siècle, les Pays-Bas méridionaux manquaient de bons candidats professeurs. Avec son parcours, Garnier répondait parfaitement au profil recherché. Les manuels scolaires que Garnier avait écrit quand il était professeur à l’École Polytechnique de Paris étaient un atout supplémentaire ; ils arrivaient à point nommé pour la formation de la future génération des professeurs des Pays-Bas du Sud. En effet, un certain nombre d'étudiants de Garnier, y compris [[Timmermans, Jean-Alexis (1801-1864)|Jean Timmermans]], [[Mareska, Daniel-Joseph-Benoît (1803-1858)|Daniel Mareska]] et [[Morren, Charles-Francois-Antoine (1807-1858)|Charles Morren]] acquirent une autorité internationale. Le plus célèbre d'entre eux, [[Quetelet, Lambert-Adolphe-Jacques (1796-1874)| Adolphe Quetelet]], déclara même que Garnier avait exercé une influence décisive sur sa recherche. | Drapiez et Garnier s'estimaient heureux de pouvoir continuer leur carrière scientifique dans un nouveau port d'attache. Mais leur pays d'accueil tira lui aussi profit de ces immigrés. Ainsi, par exemple, le [[Jardin botanique national de Belgique]] doit en grande partie son existence à Drapiez. Celui-ci n'était pas seulement l'un des initiateurs de la fondation du jardin botanique ; la réalisation effective du projet devait aussi beaucoup à ses relations. Garnier, quant à lui, arrivait à point nommé. Au début du XIXe siècle, les Pays-Bas méridionaux manquaient de bons candidats professeurs. Avec son parcours, Garnier répondait parfaitement au profil recherché. Les manuels scolaires que Garnier avait écrit quand il était professeur à l’École Polytechnique de Paris étaient un atout supplémentaire ; ils arrivaient à point nommé pour la formation de la future génération des professeurs des Pays-Bas du Sud. En effet, un certain nombre d'étudiants de Garnier, y compris [[Timmermans, Jean-Alexis (1801-1864)|Jean Timmermans]], [[Mareska, Daniel-Joseph-Benoît (1803-1858)|Daniel Mareska]] et [[Morren, Charles-Francois-Antoine (1807-1858)|Charles Morren]] acquirent une autorité internationale. Le plus célèbre d'entre eux, [[Quetelet, Lambert-Adolphe-Jacques (1796-1874)| Adolphe Quetelet]], déclara même que Garnier avait exercé une influence décisive sur sa recherche. | ||
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− | Drapiez et surtout Garnier acquirent rapidement de bonnes situations. Sans le soutien de leur pays d’accueil, cela n’aurait pas été aussi simple.L’[[Académie royale des sciences des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique - Koninklijke Vlaamse Academie van België voor wetenschappen en kunsten |Académie des sciences de Bruxelles]] et ses membres, en particulier, étaient bien conscients du potentiel des scientifiques immigrés, contribuant ainsi à leur intégration. C'est, du moins, ce qu'a expérimenté [[Pagani, Gaspard-Michel-Marie (1796-1855)|Gaspard Pagani]]. En 1820, ce mathématicien italien aux sympathies révolutionnaires fuit sa ville natale de Turin, où les troupes des Habsbourg avaient déjà préparé la potence.<ref> Après l'échec du mouvement indépendantiste et avec l'arrivée des troupes des Habsbourg, beaucoup de révolutionnaires italiens moururent sur l'échafaud. Bien que Pagani, d’après ses propres mots, n’était pas un dissident actif, il était grillé sur le plan politique, parce qu'il avait brièvement voyagé durant sa jeunesse avec l'armée de Napoléon. </ref> Il quitta son pays natal, laissant derrière lui sa famille et une carrière prometteuse. En Belgique, il recommença tout depuis le départ. | + | {|style="border="0" height="280" align="left" valign="bottom" cellpadding=0px cellspacing=10px |
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+ | <br/>Drapiez et surtout Garnier acquirent rapidement de bonnes situations. Sans le soutien de leur pays d’accueil, cela n’aurait pas été aussi simple.L’[[Académie royale des sciences des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique - Koninklijke Vlaamse Academie van België voor wetenschappen en kunsten |Académie des sciences de Bruxelles]] et ses membres, en particulier, étaient bien conscients du potentiel des scientifiques immigrés, contribuant ainsi à leur intégration. C'est, du moins, ce qu'a expérimenté [[Pagani, Gaspard-Michel-Marie (1796-1855)|Gaspard Pagani]]. En 1820, ce mathématicien italien aux sympathies révolutionnaires fuit sa ville natale de Turin, où les troupes des Habsbourg avaient déjà préparé la potence.<ref> Après l'échec du mouvement indépendantiste et avec l'arrivée des troupes des Habsbourg, beaucoup de révolutionnaires italiens moururent sur l'échafaud. Bien que Pagani, d’après ses propres mots, n’était pas un dissident actif, il était grillé sur le plan politique, parce qu'il avait brièvement voyagé durant sa jeunesse avec l'armée de Napoléon. </ref> Il quitta son pays natal, laissant derrière lui sa famille et une carrière prometteuse. En Belgique, il recommença tout depuis le départ. | ||
− | <br/> Le demandeur d'asile italien fut immédiatement recueilli par la communauté des académiciens. Les nouveaux amis de Pagani – dont [[Nieuport, Charles-François-Ferdinand-Antoine-Florent le Preud'homme d'Hailly vicomte de (1746-1827) |Nieuport]], [[Dewez, Louis | + | <br/> Le demandeur d'asile italien fut immédiatement recueilli par la communauté des académiciens. Les nouveaux amis de Pagani – dont [[Nieuport, Charles-François-Ferdinand-Antoine-Florent le Preud'homme d'Hailly vicomte de (1746-1827) |Nieuport]], [[Dewez, Louis-Dieudonné-Joseph (1760-1838)|Dewez]], [[d’Otrange]] et [[Quetelet, Lambert-Adolphe-Jacques (1796-1874)|Quetelet]] l’aidèrent à trouver un emploi de professeur particulier pour les enfants dans leurs cercles de connaissances afin de pourvoir à ses besoins. De manière plus significative, ils le préparèrent également sérieusement à son entrée à l'Académie. Le nom de Pagani devint connu grâce au concours de la Classe des Sciences. En effet, avant même que le mathématicien s'empare du deuxième prix, on lui proposa de devenir membre de l'Académie. Grâce aux contacts qu'il développa en tant qu' « académicien », Pagani devint très rapidement professeur à l’ [[Université de Louvain]]. Son rêve, car il pouvait désormais se consacrer pleinement à ses recherches sur la courbe de l'espace. |
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− | Lorsqu'en 1929 la Belgique ouvrit ses frontières à la famille russe Prigogine, elle ne pouvait pas soupçonner la renommée mondiale qui l'attendait. Ilya Prigogine Romanovitch était un enfant en bas âge lorsqu’il quitta l'Union soviétique avec sa famille suite aux frictions avec le nouveau régime. Les Prigogine séjournèrent d'abord pendant plusieurs années en Allemagne, mais le père Roman, un ingénieur chimiste, ne parvint pas à fonder une nouvelle entreprise à cause de la mauvaise conjoncture économique et de l'ambiance anti-juive grandissante. La famille russe fit à nouveau ses valises. Dans son nouveau pays, la Belgique, le jeune Ilya eut la chance de s'épanouir. Après une certaine adaptation, il put rejoindre l'enseignement secondaire. Ensuite, il fut même encouragé à continuer ses études. Son doctorat en chimie décroché, Prigogine fut nommé en 1947 professeur à l'[[Université libre de Bruxelles]], deux ans avant d'obtenir sa naturalisation. Puis, ce fut une succession de trophées : le prix Van Laar, le [[prix Adolphe Wetrems]], le [[prix Francqui]], le prix Ernest-John Solvay et une cinquantaine de doctorats honoris causa constituaient le préambule au prix Nobel, qu’il remporta en 1974. Avec Prigogine, la Belgique triomphait pour la première fois dans le domaine de la chimie. | + | Lorsqu'en 1929 la Belgique ouvrit ses frontières à la famille russe Prigogine, elle ne pouvait pas soupçonner la renommée mondiale qui l'attendait. [[Prigogine, Ilya (1917-2003) |Ilya Prigogine Romanovitch]] était un enfant en bas âge lorsqu’il quitta l'Union soviétique avec sa famille suite aux frictions avec le nouveau régime. Les Prigogine séjournèrent d'abord pendant plusieurs années en Allemagne, mais le père Roman, un ingénieur chimiste, ne parvint pas à fonder une nouvelle entreprise à cause de la mauvaise conjoncture économique et de l'ambiance anti-juive grandissante. La famille russe fit à nouveau ses valises. Dans son nouveau pays, la Belgique, le jeune Ilya eut la chance de s'épanouir. Après une certaine adaptation, il put rejoindre l'enseignement secondaire. Ensuite, il fut même encouragé à continuer ses études. Son doctorat en chimie décroché, Prigogine fut nommé en 1947 professeur à l'[[Université libre de Bruxelles]], deux ans avant d'obtenir sa naturalisation. Puis, ce fut une succession de trophées : le prix Van Laar, le [[prix Adolphe Wetrems]], le [[prix Francqui]], le prix Ernest-John Solvay et une cinquantaine de doctorats honoris causa constituaient le préambule au prix Nobel, qu’il remporta en 1974. Avec Prigogine, la Belgique triomphait pour la première fois dans le domaine de la chimie. |
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− | Au cours de la guerre, des Belges cherchèrent également hospitalité à l'étranger. Pendant la Première Guerre mondiale, il y eut, parmi eux, de nombreux scientifiques. Le mathématicien [[Libois, Paul (1901-1990)|Paul Libois]], la première femme professeur d'université [[De Brouckère, Lucia (1904-1982)|Lucia de Brouckère]] et le gagnant du Prix Nobel [[De Duve, Christian René (1917-2013) |Christian De Duve]] étaient à cette époque encore jeunes mais ils eurent la chance de pouvoir suivre rapidement l'enseignement dans leur pays d'accueil. A son tour, [[Brachet, Albert (1869-1930)|Albert Brachet]] fuit vers Paris. Il put immédiatement y travailler en tant que professeur d'anatomie et de d'embryologie à la faculté de médecine. Le physicien [[Verschaffelt, Jules Émile (1870-1955)|Jules Verschaffelt]] obtint un poste d'assistant au laboratoire de cryogénie de Kamerlingh Onnes à Leyde. Le biologiste [[MacLeod, Julius (1857-1919) |Julius MacLeod]] trouva asile à l’Université de Manchester. [[Thoreau, Jacques (1886-1973)|Jacques Thoreau]] fuit avec sa famille vers Oxford. Les Allemands ayant découvert que le pionnier de l'écologie [[Massart, Jean Baptiste (1865-1925)|Jean Massart]] avait collaboré à la presse clandestine, ce dernier dut fuir à Antibes où il put travailler au laboratoire de l'agronome Georges Poirault. | + | {|style="border="0" height="280" align="left" valign="bottom" cellpadding=0px cellspacing=10px |
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+ | |width="100"|''Rapport du professeur britannique William Osler sur les réfugiés de Louvain (of Louvanistes) dans la revue périodique ''Dominion Medical Monthly''.'''<small>(Cliquer pour élargir)</small> | ||
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+ | <br/>Au cours de la guerre, des Belges cherchèrent également hospitalité à l'étranger. Pendant la Première Guerre mondiale, il y eut, parmi eux, de nombreux scientifiques. Le mathématicien [[Libois, Paul (1901-1990)|Paul Libois]], la première femme professeur d'université [[De Brouckère, Lucia (1904-1982)|Lucia de Brouckère]] et le gagnant du Prix Nobel [[De Duve, Christian René (1917-2013) |Christian De Duve]] étaient à cette époque encore jeunes mais ils eurent la chance de pouvoir suivre rapidement l'enseignement dans leur pays d'accueil. A son tour, [[Brachet, Albert (1869-1930)|Albert Brachet]] fuit vers Paris. Il put immédiatement y travailler en tant que professeur d'anatomie et de d'embryologie à la faculté de médecine. Le physicien [[Verschaffelt, Jules Émile (1870-1955)|Jules Verschaffelt]] obtint un poste d'assistant au laboratoire de cryogénie de Kamerlingh Onnes à Leyde. Le biologiste [[MacLeod, Julius (1857-1919) |Julius MacLeod]] trouva asile à l’Université de Manchester. [[Thoreau, Jacques (1886-1973)|Jacques Thoreau]] fuit avec sa famille vers Oxford. Les Allemands ayant découvert que le pionnier de l'écologie [[Massart, Jean Baptiste (1865-1925)|Jean Massart]] avait collaboré à la presse clandestine, ce dernier dut fuir à Antibes où il put travailler au laboratoire de l'agronome Georges Poirault. | ||
<br/>Le mathématicien renommé [[Vallée Poussin, Charles-Jean Gustave Nicolas baron de la (1866-1962)|Charles La Vallée Poussin]] reçut des offres à la fois de l'Université de Harvard, du Collège de France, de la Sorbonne et de l'Université de Genève. Un certain nombre de chercheurs tentèrent la traversée de l'Atlantique et choisirent les États-Unis comme refuge. Certains, comme l’historien des sciences [[Sarton, George Alfred Leon (1884-1956) |Georges Sarton]] y restèrent définitivement. <ref> Durant la Seconde Guerre mondiale également, des scientifiques tel que le mathématicien [[Bureau, Florent-Joseph (1906-1999) |Florent Bureau]] fuirent vers des endroits plus sûrs et hospitaliers.</ref> | <br/>Le mathématicien renommé [[Vallée Poussin, Charles-Jean Gustave Nicolas baron de la (1866-1962)|Charles La Vallée Poussin]] reçut des offres à la fois de l'Université de Harvard, du Collège de France, de la Sorbonne et de l'Université de Genève. Un certain nombre de chercheurs tentèrent la traversée de l'Atlantique et choisirent les États-Unis comme refuge. Certains, comme l’historien des sciences [[Sarton, George Alfred Leon (1884-1956) |Georges Sarton]] y restèrent définitivement. <ref> Durant la Seconde Guerre mondiale également, des scientifiques tel que le mathématicien [[Bureau, Florent-Joseph (1906-1999) |Florent Bureau]] fuirent vers des endroits plus sûrs et hospitaliers.</ref> | ||
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− | A l'occasion d'un de ses discours, Prigogine expliqua avoir souvent ressenti, en tant que scientifique, le sentiment fascinant d'être un « citoyen du monde ». Il déclara que dans quelle communauté scientifique que ce soit dans le monde, la curiosité fondamentale était la même ; de telle sorte que les scientifiques, les universitaires, les académiciens se comprenaient mutuellement, en dépit des frontières, des barrières linguistiques et des habitudes de recherche. Ils se tendaient dès lors spontanément la main dans les périodes difficiles. “C'est là une expérience humaine passionnante”, conclut Prigogine. Quetelet, à son tour, déclara que ses collègues académiciens et lui-même | + | <br/>A l'occasion d'un de ses discours, Prigogine expliqua avoir souvent ressenti, en tant que scientifique, le sentiment fascinant d'être un « citoyen du monde ». Il déclara que dans quelle communauté scientifique que ce soit dans le monde, la curiosité fondamentale était la même ; de telle sorte que les scientifiques, les universitaires, les académiciens se comprenaient mutuellement, en dépit des frontières, des barrières linguistiques et des habitudes de recherche. Ils se tendaient dès lors spontanément la main dans les périodes difficiles. “C'est là une expérience humaine passionnante”, conclut Prigogine. Quetelet, à son tour, déclara que ses collègues académiciens et lui-même ont regardé au-delà de «l'état politique du pays dans lequel il était né » pour « consulter bien plus le merite du savant ». Les déclarations de ces deux grands savants sont toujours d'actualité. Peut-être peuvent-ils donner un nouveau souffle à la tradition de solidarité dans la République des Lettres. |
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Latest revision as of 10:57, 4 August 2021
Bienvenue à Bruxelles
br/> Le célèbre mathématicien Jean Garnier était lui aussi un Belge issu de l'immigration. Dans ses mémoires, il décrit la vie dans son pays natal comme : «période d’angoisses et de dangers personnels» [1] Pas plus que Drapiez, Garnier n'avait soupçonné qu'il finirait ses jours hors de “la douce France”. Il avait cependant l'avantage d'avoir déjà acquis une certaine réputation. L’Université de Gand lui avait offert une belle position en tant que professeur. Garnier avait saisi cette opportunité avec enthousiasme afin de gagner des horizons meilleurs.
Des immigrés bien utilesDrapiez et Garnier s'estimaient heureux de pouvoir continuer leur carrière scientifique dans un nouveau port d'attache. Mais leur pays d'accueil tira lui aussi profit de ces immigrés. Ainsi, par exemple, le Jardin botanique national de Belgique doit en grande partie son existence à Drapiez. Celui-ci n'était pas seulement l'un des initiateurs de la fondation du jardin botanique ; la réalisation effective du projet devait aussi beaucoup à ses relations. Garnier, quant à lui, arrivait à point nommé. Au début du XIXe siècle, les Pays-Bas méridionaux manquaient de bons candidats professeurs. Avec son parcours, Garnier répondait parfaitement au profil recherché. Les manuels scolaires que Garnier avait écrit quand il était professeur à l’École Polytechnique de Paris étaient un atout supplémentaire ; ils arrivaient à point nommé pour la formation de la future génération des professeurs des Pays-Bas du Sud. En effet, un certain nombre d'étudiants de Garnier, y compris Jean Timmermans, Daniel Mareska et Charles Morren acquirent une autorité internationale. Le plus célèbre d'entre eux, Adolphe Quetelet, déclara même que Garnier avait exercé une influence décisive sur sa recherche.
Concentration sur les talents
Un nouveau Belge pour le NobelLorsqu'en 1929 la Belgique ouvrit ses frontières à la famille russe Prigogine, elle ne pouvait pas soupçonner la renommée mondiale qui l'attendait. Ilya Prigogine Romanovitch était un enfant en bas âge lorsqu’il quitta l'Union soviétique avec sa famille suite aux frictions avec le nouveau régime. Les Prigogine séjournèrent d'abord pendant plusieurs années en Allemagne, mais le père Roman, un ingénieur chimiste, ne parvint pas à fonder une nouvelle entreprise à cause de la mauvaise conjoncture économique et de l'ambiance anti-juive grandissante. La famille russe fit à nouveau ses valises. Dans son nouveau pays, la Belgique, le jeune Ilya eut la chance de s'épanouir. Après une certaine adaptation, il put rejoindre l'enseignement secondaire. Ensuite, il fut même encouragé à continuer ses études. Son doctorat en chimie décroché, Prigogine fut nommé en 1947 professeur à l'Université libre de Bruxelles, deux ans avant d'obtenir sa naturalisation. Puis, ce fut une succession de trophées : le prix Van Laar, le prix Adolphe Wetrems, le prix Francqui, le prix Ernest-John Solvay et une cinquantaine de doctorats honoris causa constituaient le préambule au prix Nobel, qu’il remporta en 1974. Avec Prigogine, la Belgique triomphait pour la première fois dans le domaine de la chimie.
Des Belges en fuite
L'égalité des citoyens dans la République des Lettres
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Notes
- ↑ A. Quetelet, "Notice sur Jean-Guillaume Garnier", in Annuaire de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, 7 (1841), 163.
- ↑ Après l'échec du mouvement indépendantiste et avec l'arrivée des troupes des Habsbourg, beaucoup de révolutionnaires italiens moururent sur l'échafaud. Bien que Pagani, d’après ses propres mots, n’était pas un dissident actif, il était grillé sur le plan politique, parce qu'il avait brièvement voyagé durant sa jeunesse avec l'armée de Napoléon.
- ↑ Durant la Seconde Guerre mondiale également, des scientifiques tel que le mathématicien Florent Bureau fuirent vers des endroits plus sûrs et hospitaliers.