Prigogine, Ilya (1917-2003)

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Lauréat du prix Nobel, physicien spécialisé en thermodynamique, né à Moscou le 25 janvier 1917 et décédé à Bruxelles le 28 mai 2003.
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Biographie

Le petit Ilya naquit quelques mois avant la Révolution Russe. Des difficultés avec le régime Soviétique conduisirent la famille Prigogine à quitter la Russie en 1921. Après quelques pérégrinations à travers la Lituanie et l'Allemagne, ils aboutirent en Belgique en 1929. Prigogine, alors âgé de douze ans, suivit des études gréco-latines à l'Athénée d'Ixelles. Il étudia ensuite la chimie à l’Université libre de Bruxelles. En 1939, il fut licencié en chimie et en physique. Il obtint son doctorat en chimie en 1941. Puis tout s'enchaîna rapidement : en 1945, l’ambitieux chimiste obtenait son agrégation de l'enseignement supérieur; deux ans plus tard, il était nommé professeur à l'ULB .[1] Prigogine y enseigna, entre autres, la thermodynamique et la mécanique statistique. En 1949, il reçut officiellement la nationalité belge.


Prigogine fut nommé en 1950 professeur extraordinaire à l'Université libre de Bruxelles et en 1951, professeur ordinaire. En 1959, il devint directeur de l'Institut Solvay à Bruxelles. La même année, il commença à enseigner à l'Université du Texas (Austin), où il fonda le Center for Complex Quantum Systems.[2]. De 1961 à 1966, il fut membre de l'”Enrico Fermi Institute” de l'Université de Chicago. En 1967, il fut nommé professeur de physique et de technologique chimique à l'Université du Texas. Il fut en outre directeur du Center for Studies in Statistical Mechanics and Thermodynamics. A partir de 1967, il partagea son temps entre Bruxelles et Austin.[3] En 1977, Prigogine fut nommé 'Regental Professor' à l'Université du Texas.

Prigogine fut fortement influencé dans sa recherche par Théophile De Donder et Jean Émile Charles Timmermans.[4] Sous l’influence de Prigogine, l'Ecole bruxelloise de thermodynamique, fondée par De Donder, acquit une renommée internationale. [5]


Prigogine devint membre correspondant de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique le 12 décembre 1953 et membre effectif le 10 décembre 1960. Il fut président de l'Académie en 1969. La même année, il fut également président de la Classe des Sciences. Il était membre correspondant de la Société royale des sciences de Liège, membre de la Société belge de Biophysique, et membre de plus de 58 académies scientifiques, y compris dans sa Russie natale. Au FNRS, il était membre de la commission de Chimie physique et Electrochimie.


En 1946, le chimiste d'origine russe reçut le prix Van Laar. En 1951 il reçut le Prix Adolphe Wetrems, suivi quatre ans plus tard du Prix Francqui pour les sciences exactes. Prigogine ajouta en 1965 le prix Ernest-John Solvay à son palmarès. Il fut titulaire du Prix Francqui à l’Université de Liège pour la période 1957-1958. Pour son étude de la thermodynamique des processus irréversibles, il reçut en 1976 la Médaille Rumford. Il cumula en outre une cinquantaine de doctorats honoris causa, de l'Université de Newcastle upon Tyne et de l'Université de Poitiers entre autres. En 1986, le Roi Baudouin le nomma vicomte. Il était également grand-croix de l’Ordre de Léopold II et Commandeur de la Légion d'honneur française. [6] En 1987, il devint professeur émérite de l'Université libre de Bruxelles.[7]


En 1978, enfin, Prigogine reçut le plus grand des honneurs: le Prix Nobel pour la chimie, pour ses contributions à la thermodynamique hors équilibre, en particulier la théorie des structures dissipatives.[8]


La Haute Ecole Libre de Bruxelles' rattachée à l'Université libre de Bruxelles reçut le nom d'Ilya Prigogine (HELB IP). Prigogine était le fondateur du Prix Ilya Prigogine de Thermodynamique . Ce prix est décerné tous les deux ans par le European Center for Advanced Studies in Thermodynamics à un chercheur prometteur en thermodynamique.


Travaux

Prigogine a écrit plus de 20 livres et environ 1000 articles. Sa thèse traitait de la thermodynamique, en particulier sur la signification spéciale du temps.[9]


Prigogine développa sa recherche surtout sur base des travaux de Théophile De Donder. Celui-ci s’était limité aux systèmes réactifs maintenus uniformes dans l'espace. Dans les années 40, Prigogine étendit ces recherches à une classe beaucoup plus large de systèmes. Ses contributions, ainsi que celles de Lars Onsager, Eckhart et Josef Meixner, conduisirent à une formulation cohérente qui sert encore aujourd'hui de point de départ au formalisme de la thermodynamique des processus irréversibles. Un exposé de cette formulation se trouve dans la thèse d'agrégation de Prigogine, publiée en 1947.[10] La thermodynamique existante ne traitait que les systèmes en équilibre. Lars Onsager (1903-1976) avait déjà souligné cette limitation et commencé l'étude thermodynamique des systèmes en non-équilibre. Prigogine l'étendit aux systèmes éloignés de l'équilibre: les structures dissipatives” (en dispersion, disparition, extension).


Prigogine attachait en même temps une grande importance au rôle de la notion de temps. Dans son livre The End of certainty (1997), il expliquait en outre que les processus d'équilibre sont réversibles dans le temps et n’ont donc pas de direction privilégiée. Celle-ci est imposée par des circonstances extérieures, en d'autres termes par un déterminisme qui nie la direction du temps. Cette dernière mène les processus à l’irréversibilité. La plupart des processus naturels se déroulent en fonction d’un laps de temps. Prigogine donnait comme exemples d'irréversibilité: la diffusion, la désintégration radioactive, le rayonnement solaire, le climat, la cellule biologique, l'apparition et l'évolution de la vie. Les organismes sont des systèmes instables, loin de leur équilibre thermodynamique, qui ne peuvent être expliqués que de manière statistique, donc en terme de probabilité, et non déterministe.


Selon la formulation de Prigogine et Onsager, toutes les variables impliquées se rapportent à des processus irréversibles, à caractère dissipatif. En présence d'éléments inertiels (circuits comportant des éléments inductifs, etc ..), le théorème cesse d'être valable.[11] La recherche d'un principe d'évolution universel ou critère d'évolution occupa les thermodynamiciens belges durant près de deux décennies. Prigogine et Paul Glansdorff découvrirent en 1954 une inégalité universelle portant sur une partie de la variation de la production d'entropie, liée à la variation des forces généralisées. Après un complément d'enquête, les deux hommes devaient renoncer à une formulation variationelle universelle, mais ils établirent que la stabilité et l'unicité des régimes de non-équilibre pouvaient être compromises. Cela conduisit, en 1971, au critère thermodynamique de stabilité par rapport aux petites perturbations. Ces résultats ont été couronnés, en 1977, par l'attribution du prix Nobel de Chimie à Prigogine.[12]


Avec Raymond Defay Prigogine écrivit "Tension superficielle et adsorption"(1952), un texte faisant autorité jusqu'à ce jour. Il est également l'auteur, encore avec Defay, de Treatise on Thermodynamics: Based on the Methods of Gibbs and De Donder.[13]


Mécanique statistique
Les méthodes traditionnelles de la mécanique statistique d'équilibre ont été utilisées par Prigogine pour interpréter les propriétés des mélanges en phase condensée. Son approche est succinctement décrite dans la monographie La théorie moléculaire des solutions de 1957. L'étude microscopique des phénomènes de non-équilibre constitue la signature la plus caractéristique de l'école belge de mécanique statistique. Prigogine fit ici appel aux outils classiques de la théorie cinétique des gaz, en particulier l'équation de transport de Boltzmann. En 1953, Prigogine et son collaborateur anglais Gerhardt Klein s'interrogèrent sur le type de comportements irréversibles pouvant se produire dans un solide harmonique. En 1955 Léon Van Hove apporta la première dérivation satisfaisante d'une équation de transport à partir du formalisme de la mécanique quantique. Son travail fut généralisé en 1956 par Prigogine.[14]


Sous l’impulsion de Prigogine, des recherches ont été menées, visant à dériver des équations d'évolution irréversibles exactes pour les distributions de probabilité, avec pour principale caractéristique l'intégration des concepts et outils de la théorie ergodique et de l'analyse fonctionnelle.[15]


Sciences de la vie
La contradiction apparente entre la complexité croissante des organismes vivants lors de l'évolution biologique et l'augmentation de l'entropie dans un système isolé était également au coeur des travaux de Prigogine. Initialement, il explora les implications du théorème de production d'entropie minimum. Plus tard, il développa le concept de structure dissipative.[16] Avec le concept de la structure dissipative, une nouvelle voie était ouverte et la recherche s'en trouva accélérée. Prigogine développa un modèle cinétique qui s'avéra être simple et instructif en même temps . Ce modèle fut appelé le Brusselator . Il généra une grande variété de structures créées par des processus de diffusion-réaction.[17]


Mécanique des fluides et phénomènes de transport
La mécanique des fluides fournit de nombreux exemples de processus irréversibles, depuis le transfert de masse et de chaleur jusqu'à des comportements non-linéaires spectaculaires qui conduisent à des structures ordonnées en convection thermique ou au chaos spatio-temporel et à la turbulence. A partir de 1970, Prigogine et Paul Glansdorff ont exploré une classe intéressante de tels phénomènes, impliquant des couplages entre la diffusion et la conduction de chaleur. Ils utilisèrent la méthode des potentiels locaux et des méthodes numériques et analytiques, accompagnées par des expériences de laboratoire.[18]


Philosophie de la science
Ilya Prigogine fut le fondateur de ce qui est aujourd'hui connu comme la «théorie du chaos», une théorie qui stipule essentiellement que dans une situation d'instabilité, les éléments ont tendance à s’organiser en structures d'un ordre supérieur (auto-organisation). Il découvrit que tous les processus chimiques et physiques ne tendaient pas à un état d'équilibre déterminé, comme c'était supposé jusqu'alors. Il démontra qu'il existe des systèmes dits loin de l'équilibre, qui ont une capacité d'auto-organisation. Ils se développent de manière autonome dans un cycle de création, de destruction et de stabilisation sans interaction avec l'environnement. De ce fait, le chaos n'est plus seulement le côté sombre de l'ordre. En l'absence d'ordre, une force créatrice semble se cacher dans l'univers.


Avec Isabelle Stengers, il rédigea l'ouvrage «Dialogue avec la nature , qui tente de tirer les conséquences philosophiques de la thermodynamique irréversible. Dans Order out of chaos (1984), Prigogine et Stengers affirment : "Notre vision de la nature subit une modification radicale vers la multiplicité et la complexité." Prigogine considérait que sa thermodynamique n'était pas seulement applicable à des processus chimiques, mais aussi aux changements sociétaux.[19]


'Modèles de trafic
Prigogine s'essaya également aux modèles de trafic en milieu urbain, avec la statistique de Bose-Einstein.[20] Son travail sur la théorie du trafic automobile renforça sa supposition que même le comportement humain dans toute sa diversité pouvait être ramené à des formules mathématiques.[21]


Publications


Bibliographie


Notes

  1. Paul Balduck, "Ilya Prigogine (1917-2003)", in: Galerij Belgische scheikundigen, KVCV.
  2. Remise solennelle du Prix Francqui par Sa Majesté Le Roi Baudouin à la Fondation Universitaire le 2 juillet 1955, CV de Prigogine Ilya.
  3. Balduck, "Ilya Prigogine (1917-2003)".
  4. "Obituaires: Ilya Prigogine", in: SIAM News, 36 (2003), nr. 7.
  5. Pierre Marage "De kernfysica en de deeltjesfyscia", in: Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000 sous la dir. De Robert Halleux, t. 2, Bruxelles, Dexia/La Renaissance du Livre, 2001, 85.
  6. Francqui-fonds, Plechtige uitreiking van de Francqui-Prijs door Zijne Majesteit Koning Boudewijn aan de Universitaire Stichting op 2 juli 1955, CV Prigogine Ilya.
  7. "Obituaires: Ilya Prigogine", in: SIAM News.
  8. "Award Ceremony Speech", Nobel Prize in Chemistry 1977.
  9. Ali Eftehari, "Obituary Prof. Ilya Prigogine (1917-2003)", in: Adaptive Behavior, 11 (2003,) nr. 2, 129-131.
  10. Grégoire Nicolis, "De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", in: Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000 sous la dir. De Robert Halleux, t. 2, Bruxelles, Dexia/La Renaissance du Livre, 2001, 158.
  11. Nicolis, "Le thermodynamique, la science de la non-linéaire et la mécanique statique", 160.
  12. Nicolis, "De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", 161.
  13. Dominque Lambert,"De algemene relativiteit en de kosmologie", in: Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000 sous la dir. De Robert Halleux, t. 2, Bruxelles, Dexia/La Renaissance du Livre, 2001, 168.
  14. Nicolis,"De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", 163.
  15. Nicolis, "De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", 164.
  16. Nicolis, "De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", 166.
  17. "Obituaires: Ilya Prigogine", in: SIAM News.
  18. Nicolis, "De thermodynamica, de wetenschap van het niet-lineaire en de statische mechanica", 167.
  19. Staf Van Tendeloo, De schone en het beest: een ontmoeting tussen kunst en wetenschap, 63.
  20. Balduck, "Ilya Prigogine (1917-2003)".
  21. Eftehari, "Obituary Prof. Ilya Prigogine (1917-2003)", 129-131.