Fondation médicale de l'Université de Louvain au Congo

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L’allée centrale du complexe hospitalier de Kisantu. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge

Fondation de l’Université catholique de Louvain, fondée en 1926 à Kisantu (Congo belge), avec pour mission de former un personnel médical congolais, de prodiguer des soins de santé et de faire de la recherche en matière de médecine tropicale.

Abréviation : FOMULAC.



Création

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Le chantier sur le plateau à Kisantu, en 1927. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

À l’origine de la fondation de la FOMULAC, il y avait l’AUCAM (Association universitaire catholique pour l’aide aux missions). Cette association étudiante avait pour mission de libérer la population congolaise « indigente » des maladies, de l’éduquer et de la convertir. L’AUCAM fut un instrument fort utile pour missionnaires implantés au Congo. Son réseau s’étendait dans le monde entier. Sous la conduite du jésuite Pierre Charles, elle rassembla pas moins de 700 étudiants et anciens étudiants. La direction de ce « cercle missionnaire » comptait, outre des jésuites, de nombreux professeurs louvanistes, notamment des médecins. Sous l’impulsion de ces derniers fut décidé, au cours d’une réunion en 1925, la création d’un hôpital et l’envoi de médecins louvanistes au Congo. La colonie souffrait alors d'un grave manque de personnel médical. L’idée avait notamment les faveurs du physiologue Fernand Malengreau et de l’histologiste Jules Havet, qui y contribuèrent chacun à leur manière. Là où le premier recommandait une association indépendante de l’université, le second plaidait pour la création d’une fondation université Outre-Mer.


Selon Malengreau, il n’était pas possible de venir à bout des ravages de la maladie du sommeil sans un réseau sanitaire dense sur tout le territoire du Congo. La seule solution à ce problème lancinant était, selon lui, la formation d’un personnel congolais nombreux et bien formé.[1] Il répétait imperturbablement que ‘ce qui est […] indispensable et urgent, c’est la formation d’une élite’. L’enseignement en question ne pouvait être laissée entre les mains des autorités publiques. Celles-ci avaient fondé six écoles d’infirmiers au succès limité, car les missions catholiques étaient réticentes à envoyer leurs anciens élèves dans des établissements de l’État.[2] C’était donc la tâche d’une université catholique, pour Malengreau. De plus, les missions catholiques pouvaient y trouver leur compte : à la différence des missions protestantes, elles comptaient rarement des médecins dans leurs rangs.[3]


Les arguments de Malengreau firent mouche. Le 15 janvier 1926, un groupe de professeurs francophones s'accocièrent pour former un nouvel organisme, qu’ils baptisèrent "Fondation médicale de l’Université de Louvain au Congo", sur suggestion du recteur magnifique Paulin Ladeuze. Le 13 février, le Moniteur belge publia les statuts de l’association. Le recteur lui-même participait à son administration. Bien que la présidence fût laissée au professeur de droit et vice-président du Conseil Colonial Léon Dupriez par souci de prestige, Malengreau constituait la tête pensante de la Fondation. Il s’en occupa trente années durant, même après son éméritat. En tant que secrétaire-général, il assurait (par l’intermédiaire du Conseil d’Administration) de la communication entre l’université, les vicaires apostoliques, les supérieurs de mission et l’autorité coloniale.


Pour Malengreau, le soin médical et le progrès scientifique allaient de pair avec la mission catholique de civilisation et conversion. Cette mission était le véritable moteur des projets louvanistes outre-mer. Des considérations économiques jouaient aussi un rôle : une pléthore des travailleurs noirs en bonne santé n’était-elle pas indispensable pour que s’épanouisse l’industrie extractive, au plus grand profit de la métropole ? interroge Malengreau dans son manifeste enflammé Laissera-t-on mourir l’Afrique noire ?


Situation et fondation

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Le pavillon des médecins à Kisantu. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

Kisantu fut choisie comme emplacement pour construire l’infrastructure médicale. Cette mission jésuite, située sur un plateau en territoire bakongo, avait acquis une solide réputation, entre autres grâce au jardin botanique du frère Justin Gillet, qui constituait une énorme attraction touristique pour tout visiteur du Congo. Kisantu était de plus désenclavé par la ligne de chemin de fer Léopoldville – Matadi. Cependant, elle n’avait pas le caractère urbain de Léopoldville ou d’Élisabethville, où régnait la décadence morale et où, de toute manière, existaient déjà plusieurs hôpitaux.


En avril 1926, les travaux des bâtiments de la FOMULAC commencèrent. Sur un terrain de 10 hectares, on construirait un total de 10 pavillons. Les travaux se déroulèrent sous la conduite du scientifique Devisé et des médecins Morelle et Solé. Après quatre ans de chantier, l’hôpital était solennellement inauguré. Le complexe était constitué de pavillons de soin, dans lesquels les patients noirs et blancs étaient séparés ; d’un dispensaire ; et de services de chirurgie, d’obstétrique, de médecine générale et de médecine interne. Il y avait en outre une école pour la formation du personnel médical et des laboratoires pour la recherche. Il existait aussi une chapelle et une maison d’habitation pour les Sœurs de la Charité de Namur, qui aidaient dans l’hôpital. Peu à peu fut érigé autour du complexe un ‘village-maternité’, avec des habitations traditionnelles. Aux alentours de 1936, on construisit un second bâtiment scolaire pour la formation nouvelle d’assistant médical.

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Vue aérienne du complexe hospitalier de Katana. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

Dans la région autour des bâtiments de la FOMULAC apparut rapidement un réseau de 8, puis de 15 petits centres médicaux. À la tête de ces dispensaires se trouvaient des infirmiers, tous anciens élèves de l’école de la FOMULAC. Ils étaient régulièrement inspectés par les médecins de Kisantu. Dans le cadre de son action régionale, la FOMULAC travaillait en étroite collaboration avec le Fonds Reine Elisabeth pour l’Assistance Médicale aux Indigènes (FOREAMI), dont elle recevait régulièrement des subsides.


Le succès de la FOMULAC inspira rapidement à l’Université catholique de Louvain une seconde tâche d’apostolat, les Centres Agronomiques de l'Université de Louvain au Congo. L’infrastructure agricole de la CADULAC s’établit en 1933 à proximité des bâtiments de la FOMULAC. En 1937, cette dernière acquit quatre nouveaux hectares de terrain. Le plateau de Kisantu devenait ainsi, peu à peu, un gigantesque poste-avancé de l’Université de Louvain. On chercha encore d’autres terrains d’implantations pour de nouvelles sections de la FOMULAC. Au début des années 30, Edmond Leplae, un professeur d’agronomie, en trouva un sur le site de Katana, dans une baie, sur la rive occidentale du Lac Kivu. Le site était paradisiaque, mais aussi importait, car proche d’une mission. La proximité de missionnaires était une condition indispensable pour la réussite du projet. En raison de la crise économique, le chantier (sous la direction du Dr Leblanc) prit quelque retard mais, en 1934, un nouvel hôpital était prêt à l’utilisation. Un troisième complexe fut fondé à Kalenda en 1949, sous la conduite du prêtre Bouillon. Suite à une gestion médiocre, au manque de personnel et de matériel, cet établissement de la FOMULAC connut une enfance difficile.



Fonctionnement

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Groupe d’infirmiers de la promotion 1938, à Kisantu.' Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

Au lendemain de la fondation du site de Kisantu, trois chefs de section, un médecin, un chirurgien et un microscopiste y travaillaient. Ils vivaient en permanence au Congo. On ajouta au fil du temps à cette équipe de 2 à 3 assistants. Ceux-ci restaient à chaque fois pour la durée d’un an et étaient sélectionnés parmi les anciens étudiants de Louvain. Les médecins étaient payés par l’État. Des dons et des collectes devaient couvrir le reste des frais. Cela n’empêcha pas les trois sections d’être en permanence en manque d’argent et donc de matériel et de locaux.
L’enseignement était la principale occupation de l’établissement de la FOMULAC à Kisantu. Les premières leçons d’infirmerie commencèrent en 1927, avec cinq élèves. L’enseignement était principalement pratique. L’objectif était de former un personnel congolais d’un niveau médical supérieur pour en faire des assistants dans les hôpitaux. Les étudiants en infirmerie s’exerçaient dans les hôpitaux, les dispensaires et les salles d’opération. De 1930 à 1938, Kisantu délivra 24 diplômes d’infirmiers.
En 1936, l’offre d’enseignement fut élargie avec une formation pour devenir assistant médical. En une année préparatoire, quatre années de théorie et deux ans de stage, les indigènes apprenaient entre autres à pratiquer des diagnostics seuls et à prodiguer des soins (voir les horaires de cours de première année, deuxième et troisième année et de quatrième année, comme ils étaient donnés en 1941). La formation de médecins à part entière ne faisait pas partie des objectifs de la FOMULAC.


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L’ « École AMI » pour assistants médecins. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

Sur le site de la FOMULAC à Katana, l’enseignement médical ne fut dispensé qu’après la Seconde Guerre Mondiale. La cause de ce retard était surtout l’absence des prérequis appris en primaire. La connaissance du latin écrit y était faible. C’était surtout la pratique hospitalière qui était à l’honneur. Le site de Katana gagne progressivement en renommée grâce à ses campagnes de lutte contre la maladie de la peau framboesia et sa section d’obstétrique de pointe. Elle travaillait de concert avec le Comité National du Kivu qui la finançait largement via un fonds.
La lutte contre les maladies était la deuxième grande mission de la FOMULAC. À Kisantu, il y avait au début, le 1er octobre 1928, douze lits destinés aux patients noirs. En 1940, ce nombre avait atteint 70 lits.


La recherche comptait peu dans le fonctionnement de la FOMULAC. Les dispensaires jouaient un rôle clé. C’était depuis ces centres qu’était menée la recherche systématique sur la population, principalement contre la maladie du sommeil et d’autres épidémies. Des recherches supplémentaires étaient menées dans le laboratoire de Kisantu. À l’origine, on y étudiait surtout la malaria. À partir du milieu des années 30, les recherches sur la lèpre devinrent centrales.

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Fil de patients devant l’Hôpital Indigène de Katana. Source: Malengreau, Une fondation médicale au Congo belge.

Les activités de la FOMULAC reposaient sur une intense coopération entre l’université et les postes de mission. C’était un partenariat nécessaire, utile aux deux parties. Les médecins louvanistes travaillaient de concert avec les supérieurs de mission. Le poste de mission apportait un soutien matériel et mettait ses pères à disposition comme enseignants pour des matières générales ou « civilisatrices », ou pour le cours de religion. Les missions choisissaient aussi souvent les candidats pour les cours de la FOMULAC parmi ses propres élèves. Elles avaient en effet le monopole sur la formation primaire, les écoles professionnelles, les fermes-écoles, etc. Les sœurs missionnaires apportaient surtout le secours en matière de soins aux malades, d’infirmerie et parfois d’aide lors des consultations médicales. Il s’agissait souvent de sœurs-infirmières. Pour ces missions, l’arrivée de la FOMULAC – et de la CADULAC – était une aubaine : grâce à l’expertise universitaire, ils pouvaient améliorer le niveau de leurs pratiques.
Dans les faits, on ne savait jamais exactement à qui revenaient l’autorité, les subsides et les compétences ; et les médecins, les supérieurs de mission et les représentants de l’autorité publique se crêpaient régulièrement le chignon. Avec un conseil d’administration situé à Louvain, il était pratiquement impossible de réagir à temps en cas de conflit.

Fondateurs et collaborateurs

Les fondateurs, tels que mentionnés dans le Moniteur belge:

  • Le juriste Léon Dupriez (président).
  • Le recteur Paulin Ladeuze (membre du conseil d’administration)
  • Le professeur à l’Institut agronomique de Louvain et haut fonctionnaire au sein du Ministère des Colonies Edmond Leplae (membre du conseil d’administration)
  • Le professeur de médecine Albert Lemaire (membre du conseil d’administration)
  • Le professeur de médecine Aimé Morelle (membre du conseil d’administration, mais il décéda peu après la fondation)
  • Le professeur de médecine Richard Bruynoghe, chargé du cours de médecine tropicale (membre du conseil d’administration)
  • Le professeur de médecine Charles Nelis (membre du conseil d’administration)
  • Le professeur de médecine Georges Debaisieux. Debaisieux succéda à Dupriez à la présidence.
  • Le professeur de médecine Fernand Malengreau (secrétaire-trésorier). Le professeur Ernest Van Campenhout lui succéda en 1956.


Le professeur de médecine Rufin Schockaert, dont le nom est parfois mentionné parmi les fondateurs, n’est pas cité par le Moniteur belge.


La FOMULAC était placée sous le haut patronage du roi.


Fondateurs sur place (Kisantu) :

  • Le prêtre Devisé, le docteur Jean Morelle (fils du membre du conseil d’administration Aimé Morelle) et le docteur Solé. Ces deux derniers s’en allèrent dès la fin des travaux. Devisé devint le premier directeur de Kisantu. Morelle fut remplacé par le docteur Nanson, auquel succéda le docteur Duboccage. Ce dernier resta longtemps à ce poste. À cette époque, deux autres médecins, le docteur Calixte Ronsse et le docteur Mertens, étaient présents sur le site de Kisantu.


À Katana, les médecins de la première heure furent les docteurs Dewulf, Moreau, Leblanc et Lederer. Le Dr Lambillon succéda à Leblanc en mai 1839.
Les autres médecins de la FOMULAC étaient : Asin, Bienfait, Boland, Cardona, Centner, Ceuterick, Chirivella, Closset, Cornelissen, Coutelier, Deperdange, de Luna, Depinoy, Dion, Geva, Gilliaux, Gillerot, Goethals, Gyisa, Himmer, Keuller, Lamboray, Le Grand, Legrand, Le Maire, Depièce, Paola Locatelli, Myriam Malengreau (fille de Fernand), Marchand, Moeller, Mommer, Monseur, L. Morelle, Moulart, Naets, Peeters, Peltzer, Robert Renoirte, Scagnetti, Van Gysel, Van Lierde, Van Krukelsven, Vanryckeghem, Vasipoulos, Zurita.<ref>Cette liste n’est pas exhaustive et est basée sur les noms rencontrés dans les sources et la littérature mentionnées dans la bibliographie.


Les noms des collaborateurs congolais n’étaient pas repris dans les publications et sont donc perdus.


Développements ultérieurs

Le succès relatif de la FOMULAC et des CADULAC firent naître chez ses fondateurs le rêve d’une université catholique sur le sol congolais : Louvain, campus du Congo. Ce rêve est devenu réalité . En 1952, la FOMULAC céda (afstaan) ses bâtiments de Kisantu à la nouvelle Université Lovanium. Celle-ci déménagea rapidement vers Kimwenza, dans la périphérie de Léopoldville. Les bâtiments de Kisantu furent donc récupérés par la Compagnie de Jésus. D’autres sources évoquent les sœurs de la fédération Virgo Fidelis, un ensemble de congrégations de Flandre occidentale. Ces dernières furent en tout cas à la tête de l’hôpital à partir de 1957. L’hôpital fut renommé Hôpital Saint Luc (aujourd’hui l’Hôpital Général de Référence de Kisantu). La collaboration officielle avec la Belgique cessa en 1990. Entretemps, le soutien des autorités avait systématiquement décliné, de sorte que l’hôpital se retrouva dans une situation financière précaire. Aujourd’hui, l’ancien Hôpital Saint Luc est financé par Memisa ( ?). Il a une capacité de 300 lits et un accord de coopération existe avec l’UZ Leuven.


L’établissement de Kalenda, en pleine décrépitude, prit feu en 1957 et fut pillé après l’indépendance. Le site de Katana, au contraire, s’épanouit après l’indépendance. En 1973, l’hôpital recevait plus de 30 000 patients. À côté de la clinique et de son école d’infirmerie, on trouvait aussi des quartiers pour le personnel infirmier, les médecins, les enseignants et leur famille, cette fois-ci d’origine congolaise. Aujourd’hui, l’hôpital est connu comme l’Hôpital Général de Référence de Katana.

Bibliographie

  • Malengreau, F., Une fondation médicale au Congo belge, la Fomulac, 1926-1940, Louvain, 1941.
  • Malengreau, F., L'enseignement médical aux indigènes du Congo belge, Louvain, 1944.
  • Malengreau, Fernand, “Laissera-t-on mourir l’Afrique noire?”, in : Les Carnets de l’AUCAM, 1 (1926), n°6, 58-67.
  • Appelmans, M., "La Fondation Médicale de l’Université de Louvain au Congo", in: Louvain Médical, 95 (1976), 481-485.
  • Mantels, Ruben, Geleerd in de tropen Congo en de wetenschap, Leuven, 2007.
  • “Histoire de la Faculté de Médecine”, consulté le 24 février 2019.


Notes

  1. Malengreau, Fondation médicale de l’Université de Louvain au Congo, Leuven, 1941, 35.
  2. Parmi les supérieurs des missions régnait la crainte que la corruption morale urbaine réduirait à néant l’éducation catholique reçue par leurs élèves.
  3. Malengreau, “Laissera-t-on mourir l’Afrique noire?”, in: Les carnets de l’AUCAM, 1 (1926), nr. 6, 58-67.