Gatti de Gamond, Isabelle (1839-1905)

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Source: Rosadoc

Pédagogue, fondatrice d’écoles pour jeunes filles. Née le 28 juillet 1839 à Paris et décédée le 11 septembre 1905 à Uccle. Fille de Zoë Gatti.


Biographie

Gatti de Gamond grandit à Bruxelles dans une famille bourgeoise fidèle à une longue tradition socialiste progressiste. Jean-Baptiste, le père, était sculpteur. Zoë de Gamond, la maman, qui appartenait à la petite noblesse, était une femme mondaine et cultivée. Elle fonda à Bruxelles les premières écoles de filles, persuadée que, vu l’importance sociale de la femme comme mère et épouse, il était indispensable qu’elle reçoive une formation intellectuelle. Elle envoya donc ses propres filles sur les bancs du pensionnant des sœurs de Notre-Dame.[1] Forte de ses conceptions pédagogiques et de ses idées d’émancipation, cette mère exerça une profonde influence, principalement sur sa fille aînée.


Après la mort de sa mère en 1854, Gatti de Gamond entra comme gouvernante au service d’une famille aristocratique en Pologne. Elle contribua ainsi à l’entretien de sa famille qui, après la mort de sa mère, s’était appauvrie. Dans la famille polonaise qui disposait d’une bibliothèque très fournie, elle apprit le latin. Pour une jeune fille, la connaissance du latin était assez exceptionnelle. En 1851, Gatti revint à Bruxelles où elle chercha à approcher les milieux sociaux fréquentés par sa mère. La récente amitié qu’elle avait nouée avec Marie Errera, la mère de Leo, fut comme un ticket d’entrée qui lui ouvrait les portes de l’élite libérale et progressiste qui fréquentait le salon d’Errera. Gatti s’inscrivit aussi aux cours de chimie et de physique donnés par Henri Bergé aux Cours publics de la Ville de Bruxelles.


En 1863, Gatti de Gamond commença à défendre auprès de l’administration libérale de Bruxelles l’idée de la création d’une école moyenne communale pour filles. À l’époque, personne n’avait jamais pris une telle initiative. Sans doute Bruxelles possédait-elle, dans le années 1860, un nombre relativement important d’écoles primaires pour filles – des pensionnats religieux et privés, les écoles de la loge et l’École primaire supérieure privée qui assurait la formation des maîtres. Cette dernière institution délivrait le grade le plus élevé auquel pouvait aspirer alors une jeune fille. Gatti obtint l’appui de Bergé qui fit intervenir ses contacts politiques à la loge – les échevins Watteeu et le secrétaire communal Lacomblé. De même, le projet fut soutenu par le très influent conseiller municipal Jean-François Tielemans, l’un des fondateurs de l’Université libre de Bruxelles qui avait fait partie du cercle d’amis de Zoé Gatti.


Le 3 octobre 1864, le Cours communal d’Éducation pour Jeunes Filles – Institution communale était devenu une réalité. Située rue du Marais, l’école était la première institution belge à assurer l’enseignement secondaire supérieur des jeunes filles. Dans cette école, la division en degrés n’était pas la même que dans les écoles pour garçons. Au lieu d’un enseignement primaire et secondaire, l’école de Gatti comptait trois degrés. De cette façon, la loi de 1850 qui réservait l’enseignement secondaire aux seuls garçons pouvait être contournée. L’école comportait aussi une école maternelle. Selon sa fondatrice, l’objectif de l’école était de donner aux filles de la classe aisée une formation solide afin de les préparer à leur rôle crucial d’épouse et de mère. Le programme comportait notamment les sciences, les langues, l’histoire et la musique. L’accent était mis sur la pratique et la capacité de raisonner. La religion n’était pas au programme. Les mères étaient admises à assister à certains cours (les cours généraux).


L’enseignement gratuit connut un succès immédiat. Au cours des années suivantes, dix-sept écoles comparables virent le jour dans d’autres villes, grandes et moyennes, où les libéraux étaient au pouvoir. Des professeurs féminins qui avaient travaillé dans des écoles de filles à Bruxelles, comme Louise Popelin s’employèrent à introduire ce modèle dans ces écoles. L’école bruxelloise se développait aussi : en 1867, on y instaura un cours spécial (section commerciale) et en 1877, on lui adjoignit un cours normal En 1880 on instaure une section pour la formation de régentes. C’était le grade le plus élevé auquel une femme pouvait prétendre à cette époque. Pour donner cours dans cette section, Gatti fit appel pour la première fois à des professeurs de l’Université libre de Bruxelles et de l’École industrielle. Les portes de l’université étaient alors fermées aux femmes mais grâce à la nouvelle formation de régentes, le bond à faire pour accéder à l’enseignement supérieur était devenu moins important.[2] Les trois premières femmes à suivre avec succès la filière universitaire – Leclercq, Emma (1851-1933), Marie Destrée et Louise Popelin – étaient toutes sorties de l’école de Gatti. Chacune avait déjà enseigné.


La loi de 1890 donna aux femmes, pour la première fois et explicitement, l’accès à l’université mais associa cet accès à la présentation d’un diplôme d’études secondaires. Le législateur prévoyait comme issue pour la personne incapable de présenter un diplôme d’humanités qu’elle passe avec succès un examen devant le Jury central. Comme, à cette époque, les femmes belges ne pouvaient acquérir nulle part un diplôme officiel de l’enseignement secondaire, Gatti ouvrit une section préuniversitaire avec la collaboration d’un certain nombre de professeurs de l’Université de Bruxelles. Le but explicite de cette section était de préparer en un temps record de jeunes femmes à l’examen d’entrée à l’université. Le programme comprenait notamment des mathématiques supérieures, le latin et le grec, matières que les garçons avaient apprises pendant six ans.


En 1899, Gatti renonça à sa fonction de directrice. Elle resta toutefois très engagée dans le mouvement féministe socialiste jusqu’à sa mort.


Publications

Gatti édita la revue L’Éducation de la femme qui parut de 1862 à 1864. Elle y exprima notamment, dans différents articles, ses idées sur l’enseignement, sur l’instruction (libérale) des jeunes filles et le rôle de la femme. En 1896, elle se lança dans l’édition des Cahiers féministes (jusqu’en 1905). Gatti écrivit aussi des ouvrages d’histoire, comme Histoire abrégée de la Belgique.


Bibliographie

  • GUBIN, Eliane et PIETTE, Valérie, Emma, Louise, Marie… L’Université Libre de Bruxelles et l’émancipation des femmes (1834-2000), Bruxelles, 2004, p. 38.
  • WILS, Kaat, "Science, an ally of Feminism? Isabelle Gatti de Gamond", in Revue belge de philology et d’Histoire, 77 (1999), p. 416-439.
  • MORELLI, Anne, "Isabelle Gatti de Gamond, hors du féminisme bourgeois", in: Sextant, 1 (1993), p. 57-62.
  • DE WEERDT, Denise, "Gatti de Gamond, Isabelle", in Nationaal Biografisch Woordenboek, t. 13, Bruxelles, 1990, p. 299-303.
  • LEURQUIN, B., "L'enseignement secondaire laïque pour jeunes filles: les Cours d'éducation d'Isabelle Gatti de Gamond 1864-1914", in Courtois, L., Pirotte, J. en Rosart, F.(red.), Femmes des années 80. Un siècle de condition féminine en Belgique (1889-1989), Louvain-la-Neuve, 1989, p. 37-41.
  • GERARD, E., Les insoumises. Les pionnières belges de la libération de la femme. 100 ans avant mai '68, Zoé et Isabelle Gatti de Gamond, Bruxelles, 1986.
  • BARTIER, J., "Un siècle d'enseignement féminin. Le Lycée Royal Gatti de Gamond et sa fondatrice", in: Laïcité et Franc-Maçonnerie. Etudes rassemblées et publiées par Guy Cambier, Bruxelles, 1981, p. 161-202.
  • DE COSTER, S. "Gatti de Gamond, Isabelle", in: Biographie Nationale, 31 (1961), col. 377-383.
  • BAUDART, B., Isabelle Gatti de Gamond et l’origine de l’enseignement secondaire de jeunes filles, Brussel, 1949.


Notes

  1. Plus tard, Zoë Gatti se convertit au catholicisme.
  2. La loi de 1876 sur l’enseignement supérieur stipulait que le gouvernement fixerait les conditions auxquelles les femmes devraient satisfaire pour être admises sur les bancs de l’université. La loi du 20 mai 1876 stipulait notamment que chacun devait être admis à l’enseignement supérieur, indépendamment de tout diplôme. Du coup, la loi entrouvrait clairement la porte à la présence féminine dans les auditoires. Cependant, l’article 43 faisait du gouvernement un portier puisqu’il précisait que ces instances détermineraient les conditions de l’accès des femmes.