Difference between revisions of "Jardin botanique d'Eala"
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Jardin botanique à Coquilhatville, aujourd'hui Mbandaka, érigé en 1900. | Jardin botanique à Coquilhatville, aujourd'hui Mbandaka, érigé en 1900. | ||
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− | Le Jardin Botanique d’Eala fut fondé par l’arrêté royal du 3 février 1900 dans la région de la ville connue alors sous le nom de Coquilhatville, presque sur l’équateur, au bord de la rivière Ruki. L’initiateur de ce projet était [[Laurent, Émile Ghislain (1861-1904)|Émile Laurent]], professeur à l’[[Gembloux Agro-Bio Tech|Institut agricole de l’État]] et conseiller des autorités de l’État Indépendant du Congo pour la politique agricole. Sur les recommandations de Laurent, c’est un jeune ingénieur agronome, [[Gentil, Louis (1874-1958)|Louis Gentil]], qui fut envoyé dans la Province de l’Équateur en 1897, en qualité de ‘’chef de culture’’, afin d’y trouver un emplacement propice à l’installation d’un jardin botanique. Son dévolu se jeta sur une superficie boisée, sur la rive gauche de la rivière Ruki. Au cours d’une seconde expédition – il avait entretemps été promu inspecteur sylvicole -, Gentil collecta des plantes auprès d’institutions de botanique de la côte ouest de l’Afrique. Il atteint enfin l’emplacement choisi, apportant 300 plantes et une centaine de sacs de semences. Il y lança le travail de collection pour le nouveau jardin, sous la direction de [[Pinaert Léon|Léon Pinaert]] et de son assistant [[Laurent, Marcel (1879-1924|Marcel Laurent]]. | + | Le Jardin Botanique d’Eala fut fondé par l’arrêté royal du 3 février 1900 dans la région de la ville connue alors sous le nom de Coquilhatville, presque sur l’équateur, au bord de la rivière Ruki. L’initiateur de ce projet était [[Laurent, Émile Ghislain (1861-1904)|Émile Laurent]], professeur à l’[[Gembloux Agro-Bio Tech|Institut agricole de l’État]] et conseiller des autorités de l’État Indépendant du Congo pour la politique agricole. Sur les recommandations de Laurent, c’est un jeune ingénieur agronome, [[Gentil, Louis (1874-1958)|Louis Gentil]], qui fut envoyé dans la Province de l’Équateur en 1897, en qualité de ‘’chef de culture’’, afin d’y trouver un emplacement propice à l’installation d’un jardin botanique. Son dévolu se jeta sur une superficie boisée, sur la rive gauche de la rivière Ruki. Au cours d’une seconde expédition – il avait entretemps été promu inspecteur sylvicole -, Gentil collecta des plantes auprès d’institutions de botanique de la côte ouest de l’Afrique. Il atteint enfin l’emplacement choisi, apportant 300 plantes et une centaine de sacs de semences. Il y lança le travail de collection pour le nouveau jardin, sous la direction de [[Pinaert Léon|Léon Pinaert]] et de son assistant [[Laurent, Marcel (1879-1924)|Marcel Laurent]]. |
<br/>Le Jardin fut nommé « Jardin Botanique d’Eala ». Dans ce domaine de trois cents hectares, les visiteurs pouvaient à présent découvrir un aperçu bien ordonné de la flore africaine, mais aussi s’émerveiller devant des plantes que l’on ne retrouvait pas dans d’autres stations congolaises, comme le vanillier, le poivrier, le bambou, le cocotier ou encore le palmier à sucre, ainsi que d’autres plantes originaires d’Inde ou d’Amérique du Sud. On installa aussi une ferme pilote, avec du bétail et un jardin expérimental pour des plants de cacaoyers et d’autres plantes rentables. Environ 350 indigènes travaillaient sur le domaine. | <br/>Le Jardin fut nommé « Jardin Botanique d’Eala ». Dans ce domaine de trois cents hectares, les visiteurs pouvaient à présent découvrir un aperçu bien ordonné de la flore africaine, mais aussi s’émerveiller devant des plantes que l’on ne retrouvait pas dans d’autres stations congolaises, comme le vanillier, le poivrier, le bambou, le cocotier ou encore le palmier à sucre, ainsi que d’autres plantes originaires d’Inde ou d’Amérique du Sud. On installa aussi une ferme pilote, avec du bétail et un jardin expérimental pour des plants de cacaoyers et d’autres plantes rentables. Environ 350 indigènes travaillaient sur le domaine. | ||
− | <br/>[[Laurent, Marcel (1879-1924|Marcel Laurent]] succéda bientôt à [[Léon Pynaert]], et fut lui-même suivi par F. Seret. Sous ces différents directeurs, avec le soutien des serres coloniales de Laeken et du [[Jardin Botanique de Kisantu]] (fondé à la même époque par le père jésuite [[Gillet, Justin (1866-1943)|Justin Gillet]]), le jardin expérimental d’Eala se développa jusqu’à devenir le centre d’un réseau d’introduction et d’acclimatation de plantes commercialisables, comme le café et les lianes à caoutchouc. La recherche scientifique menée dans le jardin avait clairement un objectif lucratif (alimentation et exportation) – comme la plupart des initiatives scientifiques dans l’EIC, d’ailleurs. Les jardins botaniques, comme celui d’Eala, mais aussi celui de Gillet à Kisantu, était pour cette raison des points nodaux du processus de colonisation. Ils s’intégraient dans un réseau d’échange de connaissances et de produits avec les autres centres expérimentaux et jardins botaniques, comme celui de Buitenzorg (Java), ainsi qu’avec les entreprises agricoles. En outre, des échantillons de plantes étaient régulièrement envoyés du jardin à la métropole, où ils étaient inventorisés et étudiés pour en découvrir la valeur scientifique et économique – entre autres au [[Jardin Botanique de Laeken]], au [[Musée royal de l'Afrique centrale|Musée du Congo]] (dans le cadre de son [[Institut de Recherches Chimiques de Tervuren|Laboratoire de Recherches Chimiques]]) et au [[Jardin botanique national de Belgique - Nationale plantentuin van België|Jardin botanique national]]. Ce dernier avait un lien privilégié avec le Jardin d’Eala. Non seulement Gentil avait-il été nommé collaborateur – collaborateur lointain, certes – du Jardin botanique national de Bruxelles, de sorte que ce dernier disposait d’un pion au Congo, mais encore Léopold II lui-même avait-il offert au jardin botanique bruxellois un accès privilégié aux échantillons de plantes d’Eala. C’est à [[Wildeman, Émile Auguste Joseph de (1866-1947)|Émile de Wildeman]] qu’échut la tâche d’inventorier et d’étudier la gigantesque masse des échantillons importés au Jardin botanique. La recherche botanique tropicale était synonyme d’un énorme prestige pour l’institution bruxelloise. | + | <br/>[[Laurent, Marcel (1879-1924)|Marcel Laurent]] succéda bientôt à [[Léon Pynaert]], et fut lui-même suivi par F. Seret. Sous ces différents directeurs, avec le soutien des serres coloniales de Laeken et du [[Jardin Botanique de Kisantu]] (fondé à la même époque par le père jésuite [[Gillet, Justin (1866-1943)|Justin Gillet]]), le jardin expérimental d’Eala se développa jusqu’à devenir le centre d’un réseau d’introduction et d’acclimatation de plantes commercialisables, comme le café et les lianes à caoutchouc. La recherche scientifique menée dans le jardin avait clairement un objectif lucratif (alimentation et exportation) – comme la plupart des initiatives scientifiques dans l’EIC, d’ailleurs. Les jardins botaniques, comme celui d’Eala, mais aussi celui de Gillet à Kisantu, était pour cette raison des points nodaux du processus de colonisation. Ils s’intégraient dans un réseau d’échange de connaissances et de produits avec les autres centres expérimentaux et jardins botaniques, comme celui de Buitenzorg (Java), ainsi qu’avec les entreprises agricoles. En outre, des échantillons de plantes étaient régulièrement envoyés du jardin à la métropole, où ils étaient inventorisés et étudiés pour en découvrir la valeur scientifique et économique – entre autres au [[Jardin Botanique de Laeken]], au [[Musée royal de l'Afrique centrale|Musée du Congo]] (dans le cadre de son [[Institut de Recherches Chimiques de Tervuren|Laboratoire de Recherches Chimiques]]) et au [[Jardin botanique national de Belgique - Nationale plantentuin van België|Jardin botanique national]]. Ce dernier avait un lien privilégié avec le Jardin d’Eala. Non seulement Gentil avait-il été nommé collaborateur – collaborateur lointain, certes – du Jardin botanique national de Bruxelles, de sorte que ce dernier disposait d’un pion au Congo, mais encore Léopold II lui-même avait-il offert au jardin botanique bruxellois un accès privilégié aux échantillons de plantes d’Eala. C’est à [[Wildeman, Émile Auguste Joseph de (1866-1947)|Émile de Wildeman]] qu’échut la tâche d’inventorier et d’étudier la gigantesque masse des échantillons importés au Jardin botanique. La recherche botanique tropicale était synonyme d’un énorme prestige pour l’institution bruxelloise. |
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Revision as of 15:04, 19 February 2019
Jardin botanique à Coquilhatville, aujourd'hui Mbandaka, érigé en 1900.
Historique
Le Jardin Botanique d’Eala fut fondé par l’arrêté royal du 3 février 1900 dans la région de la ville connue alors sous le nom de Coquilhatville, presque sur l’équateur, au bord de la rivière Ruki. L’initiateur de ce projet était Émile Laurent, professeur à l’Institut agricole de l’État et conseiller des autorités de l’État Indépendant du Congo pour la politique agricole. Sur les recommandations de Laurent, c’est un jeune ingénieur agronome, Louis Gentil, qui fut envoyé dans la Province de l’Équateur en 1897, en qualité de ‘’chef de culture’’, afin d’y trouver un emplacement propice à l’installation d’un jardin botanique. Son dévolu se jeta sur une superficie boisée, sur la rive gauche de la rivière Ruki. Au cours d’une seconde expédition – il avait entretemps été promu inspecteur sylvicole -, Gentil collecta des plantes auprès d’institutions de botanique de la côte ouest de l’Afrique. Il atteint enfin l’emplacement choisi, apportant 300 plantes et une centaine de sacs de semences. Il y lança le travail de collection pour le nouveau jardin, sous la direction de Léon Pinaert et de son assistant Marcel Laurent.
Le Jardin fut nommé « Jardin Botanique d’Eala ». Dans ce domaine de trois cents hectares, les visiteurs pouvaient à présent découvrir un aperçu bien ordonné de la flore africaine, mais aussi s’émerveiller devant des plantes que l’on ne retrouvait pas dans d’autres stations congolaises, comme le vanillier, le poivrier, le bambou, le cocotier ou encore le palmier à sucre, ainsi que d’autres plantes originaires d’Inde ou d’Amérique du Sud. On installa aussi une ferme pilote, avec du bétail et un jardin expérimental pour des plants de cacaoyers et d’autres plantes rentables. Environ 350 indigènes travaillaient sur le domaine.
Marcel Laurent succéda bientôt à Léon Pynaert, et fut lui-même suivi par F. Seret. Sous ces différents directeurs, avec le soutien des serres coloniales de Laeken et du Jardin Botanique de Kisantu (fondé à la même époque par le père jésuite Justin Gillet), le jardin expérimental d’Eala se développa jusqu’à devenir le centre d’un réseau d’introduction et d’acclimatation de plantes commercialisables, comme le café et les lianes à caoutchouc. La recherche scientifique menée dans le jardin avait clairement un objectif lucratif (alimentation et exportation) – comme la plupart des initiatives scientifiques dans l’EIC, d’ailleurs. Les jardins botaniques, comme celui d’Eala, mais aussi celui de Gillet à Kisantu, était pour cette raison des points nodaux du processus de colonisation. Ils s’intégraient dans un réseau d’échange de connaissances et de produits avec les autres centres expérimentaux et jardins botaniques, comme celui de Buitenzorg (Java), ainsi qu’avec les entreprises agricoles. En outre, des échantillons de plantes étaient régulièrement envoyés du jardin à la métropole, où ils étaient inventorisés et étudiés pour en découvrir la valeur scientifique et économique – entre autres au Jardin Botanique de Laeken, au Musée du Congo (dans le cadre de son Laboratoire de Recherches Chimiques) et au Jardin botanique national. Ce dernier avait un lien privilégié avec le Jardin d’Eala. Non seulement Gentil avait-il été nommé collaborateur – collaborateur lointain, certes – du Jardin botanique national de Bruxelles, de sorte que ce dernier disposait d’un pion au Congo, mais encore Léopold II lui-même avait-il offert au jardin botanique bruxellois un accès privilégié aux échantillons de plantes d’Eala. C’est à Émile de Wildeman qu’échut la tâche d’inventorier et d’étudier la gigantesque masse des échantillons importés au Jardin botanique. La recherche botanique tropicale était synonyme d’un énorme prestige pour l’institution bruxelloise.
Le personnel du Jardin, années 1920. Source: Piet, sur: Wikimedia Commons. |
Après la reprise de l’État Libre du Congo par le gouvernement belge, l’administration du Jardin botanique d’Eala passa à l’administration de l’agriculture coloniale, au sein du Ministère des Colonies. Pendant cette période, un laboratoire de mycologie et un laboratoire de parasitologie furent rajoutés au jardin expérimental. Camille Vermoesen mena jusqu’en 1916 une recherche en laboratoire sur les phytopathologies, et l’entomologiste Mayné fit de même sur les insectes nuisibles. Entre 1913 et 1915, Vermoesen dirigea un temps le jardin. Il y créa un herbier. Dans les années 20, ce fut au tour de Victor Goossens. Sous sa férule naquirent une station pour la recherche sur les palmiers oléagineux et un arboretum. Dans les années 30, la direction fut assurée successivement par Corbisier-Balland, Leemans (1936) et Coûteaux (1936-1938). À partir de 1928, la gestion du jardin passa entre les mains de la Régie des Plantations de la Colonie, rebaptisée Institut National pour l’Étude Agronomique du Congo belge en 1933. Dès ce moment, Yangambi devint le centre des activités botaniques et scientifiques, cependant qu’Eala était relégué à un rôle de réservoir pour les plantes d’importation.
Après l’indépendance du Congo (30 juin 1960), le jardin botanique d’Eala demeura sous la gestion de l’INERA (Institut National pour l’Étude et les Recherches Agronomiques), le successeur de l’INEAC. En 2010, le jardin intégré à l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN).
Aujourd'hui
Aujourd’hui, la surface du jardin atteint 370 hectares. Le jardin héberge quelque 2,500 espèces. Au cours des dernières décennies, son état se dégrada, faute de personnel, subsides et interêt touristique. En 2007, des projets virent le jour pour restaurer le jardin.
Publications
- Le Jardin publia un premier catalogue des plantes qu’il cultivait en 1907: Liste générale des végétaux cultivés, 1907.
- Jardin botanique d’Eala, district de l’équateur, Congo belge : liste générale des végétaux cultivés, 1911.
- Leplae, Edmond, Un voyage agricole au Congo Belge. 1 : Plantations et élevages expérimentaux de l’état, jardin botanique d’Eala, domestication de l’éléphant d’Afrique, plantations de rapport, plantations et élevages des sociétés et des missions, Londres, 1918.
- Catalogue des plantes utiles du Jardin botanique d'Eala et du Jardin d'essais, 1921.
- Goossens, V., Catalogue des plantes du jardin botanique d’Eala (Congo belge), 1924. Contient de nombreuses photos et plans.
- Pynaert, Léon, Les stations expérimentales le Jardin botanique d'Eala: esquisse historique, resultats acquis, 1930.
- Essences à bois cultivées au jardin botanique d’Eala, 1931.
- Staner, Pierre, Les aspects botaniques des environs du Jardin d’Eala, 1933.
Bibliographie
- Decret du Roi-Souverain du 3 février 1900 portant création d'un jardin botanique et d'essai à Eala.
- Robyns, W., « Théodore-Auguste-Louis-François Gentil, in: Biographie Belge d’Outre-Mer, Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, 7 (1973), 247-250.
- Diagre, Denis, Le Jardin botanique de Bruxelles. 1826-1912. Reflet de la Belgique, enfant de l'Afrique, Bruxelles: Académie royale de Belgique. Editions, 2012, 195.
- Pynaert, Léon en Lebied, E., "Le jardin d'Eala", in: Zooléo. Nouv. Sér., 37 (1957), 211-230.
- Pauwels, L., Les Jardins Botaniques d'Eala et de Kisantu (R.D. Congo, Afrique) centenaires (1900-2000).