Monuments pour mesurer le temps: les méridiennes de Quetelet
Prendre le train à 15h00 et arriver à destination à 14h50? En 1835, l'année phare dans la construction du réseau ferroviaire belge, c’était possible! Les trains remontaient-ils le temps ? Non, les horloges publiques n’étaient tout simplement pas synchronisées. Pour le voyageur lambda, c’était peut-être ennuyeux, mais pas insurmontable. Par contre, ces différences d’horaires entraînaient des risques importants pour la sécurité au sein du trafic ferroviaire ...
Synchroniser les horlogesDepuis des siècles, villes et villages déterminaient l'heure local au moyen de cadrans solaires. En effet, comme toutes les villes de Belgique ne se trouvaient pas sur la même longitude, le soleil n'atteignait pas son point culminant partout au même moment. De ce fait, il y avait «naturellement» de petites différences de temps entre les villes. Mais de plus grandes différences existaient du fait que certaines villes utilisaient l'heure solaire tandis que d’autres utilisaient le temps solaire moyen. D'autres, encore, adoptaient l'heure de Bruxelles. Les erreurs et inexactitudes dans la mesure du temps entraînaient beaucoup de décalages, parfois jusqu'à 25 minutes. Avec la construction du réseau ferroviaire belge, ce petit décalage devint soudain un gros problème. Il était impossible de faire rouler les trains «à l'heure». C’était ennuyeux, mais surtout mortel sur les trajets où les trains utilisaient la même voie dans les deux directions. Dans ce cas, on devait savoir si les véhicules venant en sens inverse étaient déjà passés. Une solution devenait nécessaire…
L’ombre du tempsDessiner des méridiennes pour mesurer l'heure solaire n’était pas nouveau. Depuis des siècles, les astronomes traçaient cette ligne orientée nord-sud sur le sol. A l'aide d'un cadran solaire dont l'ombre évolue au cours de la journée ou d’une ouverture qui laissait passer un rayon de soleil, on pouvait voir exactement quand le soleil atteignait la ligne tracée et donc le méridien de cet endroit. C’était le midi «vrai», c'est-à-dire le moment qui partage en deux le temps entre le lever et le coucher du soleil.
Des télescopes sur le toitEn même temps que les méridiennes, à la demande du gouvernement, Quetelet installa des mini-observatoires (de méridiens) dans cinq villes. Ceux-ci furent équipés d’une lunette méridienne et éventuellement d'autres instruments. Afin que la visibilité nord-sud ne soit pas entravée par des obstacles, les pavillons d'observation devaient être disposés en hauteur. A cette fin, la plupart du temps Quetelet les installa sur le toit d’un bâtiment. Les postes d'observation étaient extrêmement sobres et rudimentaires. Ils étaient construits en bois et/ou éventuellement en zinc, et ne dépassaient pas 8 à 10 mètres carrés. La ville contribuait à la construction par une petite subvention. Les précieuses lunettes méridiennes Troughton & Simms provenaient de l’Observatoire royal et sont restées la propriété de cette institution.
Midi Brussels’ timeMaintenant qu’on pouvait lire précisément le midi astronomique dans chaque poste de mesure local, il était facile de connaitre, via un tableau de concordance, le temps harmonisé à Bruxelles et dans les autres villes du réseau ferroviaire. Afin de faire un tableau comparatif pour chaque ville, Quetelet devait calculer la distance en longitude de chaque poste de mesure par rapport à l' observatoire de Bruxelles. Il prit ainsi Bruxelles comme Méridien Zéro.[4]
A la lumière des progrèsDes 41 méridiens planifiés par l'arrêté royal, seuls dix ou onze furent finalisés. A peine deux ans après le premier tracé par Quetelet, son système fut rattrapé par une nouveauté : le télégraphe. Grâce à cette invention, il était tout-à-fait possible de transmettre rapidement les heures de Bruxelles à tous les coins du réseau ferroviaire. De plus, en attendant, les chemins de fer avaient trouvé leur propre solution : ils prenaient tout simplement une horloge à bord.
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Bibliografie
- Quetelet, Adolphe, "Rapport", in: Correspondance mathématique et physique, 11 (1839), 314-329.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Des méridiennes de Quetelet. De celle de Malines”, in: Ciel et terre, 111 (1995), 22-24.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Les méridiennes de Quetelet (suite). La méridienne de Bruxelles”, in: Ciel et terre, 11 (1995), n° 4 , 112-114.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Les méridiennes de Quetelet (suite). Le pavillon astronomique et la méridienne de Bruges”, in: Ciel et terre, 111 (1995), n°6, 188-191.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Les méridiennes de Quetelet. La méridienne de Gand”, in: Ciel et terre, 112 (1996), n° 1, 12-15.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Les méridiennes de Quetelet. Le pavillon astronomique et la méridienne d'Ostende”, in: Ciel et terre, 112 (1996), n° 2, 79-82.
- Van Boxmeer, Henri, “Poussières d’archives. Les méridiennes de Quetelet. Le pavillon astronomique et la méridienne d'Anvers”, in: Ciel et terre, 113 (1997), n° 6, 205-207.
- Van Boxmeer, Henri, "Le pavillon astronomique de Liège. Les méridiennes de Louvain, de Lierre, d'Alost et de Termonde", in: Ciel et terre, 114 (1998), n° 1, 33-36.
- Koeckelenbergh, André, "L'astronomie et la géophysique externe", in Robert Halleux, Geert Vanpaemel, Jan Vandersmissen en Andrée Despy-Meyer (éds.), Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000, Bruxelles : Dexia/La Renaissance du livre, 2001, vol. 1,, 144-145.
- Baudoux, Bernard, “Les Méridiennes de Quetelet. 1. La méridienne de Bruxelles”, in: L'astronomie, (2010), n°. 32, 46-47.
- Baudoux, Bernard, “Les Méridiennes de Quetelet (2)”, in: L'astronomie, 2010, n° 33, 46-47.
- Baudoux, Bernard, “Les Méridiennes de Quetelet (3)”, in: L'astronomie, 2011, n° 34, 42-43.
- Danniau, Fien, "Meridiaanlijn", op: UGentMemorie, consulté le 4/05/2016.
- Vandenbruaene , Jan, Astronomische gids voor België, Bruxelles, 2009.
Notes
<references>- ↑ L'installation des instruments de mesure précis dans ces cinq villes était importante en raison de leur rôle maritime ou de l'usage astronomique de leur position. Ils permirent aussi à Quetelet de travailler avec les heures solaires exactes de ces villes. En effet, quand il s’éloignait trop loin de Bruxelles pour la fabrication de ces méridiennes, il pouvait moins se fier aux chronomètres qu'il étalonnait d'abord avec les lunettes méridiennes de l‘Observatoire de Bruxelles.
- ↑ Du moins, il était prévu qu'une méridienne en carreaux blancs soit réalisée mais on ne sait pas si celle-ci fut mise en place après l'installation de la coupole de cuivre en 1839. Les annales de Observatoire royal ne mentionnent pas ce méridien dans leurs inventaires.
- ↑ Tout comme à Bruges, on n'est pas certain que cette méridienne y ai été faite. Les annales de Observatoire royal ne mentionnent pas Ostende dans la liste des villes ayant un méridien.
- ↑ A l'époque de Quetelet, il n'y avait pas de méridien zéro officiel. Le méridien de l'Observatoire royal de Greenwich en Grande Bretagne ne fut choisi que beaucoup plus tard, en 1884, comme le premier méridien zéro lors d'une conférence internationale. Avant cette époque, les cartographes et les astronomes travaillaient avec d'autres méridiens de référence, par exemple, ceux qui traversaient leur capitale ou leur observatoire national. Cependant, Greenwich jouait déjà un rôle central dans les mesures.
- ↑ Pour plus d'informations sur le temps solaire moyen, le temps solaire « vrai » et le remplacement du temps, voir entre autres "Temps solaire", sur: Wikipedia.fr, consulté le 28/06/2016.
- ↑ Bruxelles, Anvers, Bruges, Dendermonde, Alost, Lierre et Gand et bientôt aussi Louvain et Ostende. À Malines, le gnomon ne se trouve plus dans sa position originelle, mais il est l’attraction centrale de la place en face de la gare.