Difference between revisions of "Le talisman des agronomes"
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'''Des agronomes ? Sont-ils vraiment des scientifiques, pour mériter leur place sur Bestor ? Détrompez-vous. Dès l’Entre-Deux-Guerres, les instituts agronomiques belges donnèrent aux sciences naturelles une place sans cesse croissante dans leurs programmes d’enseignement. L’heure était à la biologie appliquée, à la transformation directe de la nature par la maîtrise de ses lois. Cette évolution, l’ouvrage commémoratif du centenaire de l’Institut agronomique de Gembloux (1960) l’attribue au progrès des connaissances et aux besoins nouveaux de l’agriculture…<ref>Lecrenier, « Discours prononcé par M. le Recteur Decrenier » in ''Fêtes commémoratives du Centenaire de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux – Juillet 1960, placées sous le Haut Patronage de Sa Majesté Le Roi'', Gembloux, Duculot, 1961.</ref> Mais qu'en est-il des besoins des agronomes eux-mêmes ?''' | '''Des agronomes ? Sont-ils vraiment des scientifiques, pour mériter leur place sur Bestor ? Détrompez-vous. Dès l’Entre-Deux-Guerres, les instituts agronomiques belges donnèrent aux sciences naturelles une place sans cesse croissante dans leurs programmes d’enseignement. L’heure était à la biologie appliquée, à la transformation directe de la nature par la maîtrise de ses lois. Cette évolution, l’ouvrage commémoratif du centenaire de l’Institut agronomique de Gembloux (1960) l’attribue au progrès des connaissances et aux besoins nouveaux de l’agriculture…<ref>Lecrenier, « Discours prononcé par M. le Recteur Decrenier » in ''Fêtes commémoratives du Centenaire de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux – Juillet 1960, placées sous le Haut Patronage de Sa Majesté Le Roi'', Gembloux, Duculot, 1961.</ref> Mais qu'en est-il des besoins des agronomes eux-mêmes ?''' | ||
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<br/>Tout commença en 1929, lorsque le Parlement vota la loi sur la collation des grades académiques. Cette loi établissait la liste des diplômes universitaires reconnus comme « légaux », dont la possession garantissait en théorie des places prioritaires et supérieures dans la hiérarchie des administrations publiques. À la grande horreur des agronomes diplômés des instituts de [[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Gent|Gand]], [[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Leuven|Louvain]] et [[Gembloux Agro-Bio Tech|Gembloux]], la loi les ignorait complètement. Le législateur considérait visiblement que l’enseignement agricole supérieur n’était qu’une des branches de l’enseignement professionnel. Ce fut la révolte : grève étudiante à Gembloux, campagne de lobbying des trois associations d’ingénieurs agronomes auprès des ministres (spécialement l’[[Association Royale des Ingénieurs de Gembloux|Association des Anciens Élèves de Gembloux ou AIGx]]), interpellations parlementaires, campagnes de presse… | <br/>Tout commença en 1929, lorsque le Parlement vota la loi sur la collation des grades académiques. Cette loi établissait la liste des diplômes universitaires reconnus comme « légaux », dont la possession garantissait en théorie des places prioritaires et supérieures dans la hiérarchie des administrations publiques. À la grande horreur des agronomes diplômés des instituts de [[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Gent|Gand]], [[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Leuven|Louvain]] et [[Gembloux Agro-Bio Tech|Gembloux]], la loi les ignorait complètement. Le législateur considérait visiblement que l’enseignement agricole supérieur n’était qu’une des branches de l’enseignement professionnel. Ce fut la révolte : grève étudiante à Gembloux, campagne de lobbying des trois associations d’ingénieurs agronomes auprès des ministres (spécialement l’[[Association Royale des Ingénieurs de Gembloux|Association des Anciens Élèves de Gembloux ou AIGx]]), interpellations parlementaires, campagnes de presse… | ||
− | <br/>Cédant à ce mouvement de grogne, le gouvernement créa une commission pour la révision du programme de l’enseignement agronome, composée de parlementaires, de fonctionnaires, de professeurs et de délégués des Associations d’anciens élèves. Elle tint vingt séances, jusqu’en mars 1932, sans parvenir à se mettre d’accord sur un programme de réformes pour enfin donner aux études d’agronomie une stature universitaire. En 1933, la commission céda la place à un Comité restreint (limité aux trois recteurs<ref>À cette époque, les trois instituts étaient complètement indépendants des universités auxquels ils sont aujourd'hui annexés.</ref> et à un représentant du Ministère de l’Instruction publique). Il piétina à nouveau. En cause : la durée des études. Là où les [[Verbond bio-ingenieurswetenschappen Gent|Gantois]] et les [[ | + | <br/>Cédant à ce mouvement de grogne, le gouvernement créa une commission pour la révision du programme de l’enseignement agronome, composée de parlementaires, de fonctionnaires, de professeurs et de délégués des Associations d’anciens élèves. Elle tint vingt séances, jusqu’en mars 1932, sans parvenir à se mettre d’accord sur un programme de réformes pour enfin donner aux études d’agronomie une stature universitaire. En 1933, la commission céda la place à un Comité restreint (limité aux trois recteurs<ref>À cette époque, les trois instituts étaient complètement indépendants des universités auxquels ils sont aujourd'hui annexés.</ref> et à un représentant du Ministère de l’Instruction publique). Il piétina à nouveau. En cause : la durée des études. Là où les [[Verbond bio-ingenieurswetenschappen Gent|Gantois]] et les [[Vereniging van de ingenieurs en gediplomeerden van de Faculteit der Landbouwwetenschappen der Universiteit te Leuven - Association des ingénieurs et diplômés de la Faculté des sciences agronomiques de l'Université de Louvain|Louvanistes]] plaidaient pour un diplôme d’ingénieur en quatre ans, les Gembloutois insistaient pour qu’il ne soit atteint qu’après cinq ans d’études. |
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|width="100"|'''Émile Marchal, recteur de l’[[Gembloux Agro-Bio Tech|Institut agronomique de Gembloux]] de 1925 à 1928.''' <small>Source : ''Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique'', 88 (1957).</small> | |width="100"|'''Émile Marchal, recteur de l’[[Gembloux Agro-Bio Tech|Institut agronomique de Gembloux]] de 1925 à 1928.''' <small>Source : ''Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique'', 88 (1957).</small> | ||
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− | <br/>De nombreux ingénieurs gembloutois, menés par le professeur [[Marchal, Émile Jules Joseph (1871-1954)|Émile Marchal]], plaidaient pour une réforme en profondeur du curriculum d’ingénieur agronome. Pour eux, l’agriculture belge avait davantage besoin de chercheurs que de techniciens ou de vulgarisateurs. Ce courant donnait volontiers aux sciences naturelles, aux séminaires, aux exercices en laboratoire et aux recherches personnelles une place privilégiée dans le cursus, et le verrait volontiers couronné par un doctorat en sciences agronomiques. Le point d’orgue de cette réforme serait le rattachement des deux instituts agronomiques de l’État aux deux universités de l’État (Liège dans le cas de Gembloux).<ref>Marchal, É., “L’Enseignement supérieur agronomique dans le cycle des hautes études » in Académie Royale de Belgique, ''Bulletins de la Classe des Sciences'', 1921, 5e série, t. VII, Bruxelles, Maurice Lamertin, Marcel Hayez, 1922, p. 803</ref> Un discours similaire se rencontre à Louvain : le recteur magnifique, Monseigneur Ladeuze, y compare même l’Institut agronomique à une section spécialisée de la Faculté des Sciences<ref>Monseigneur Ladeuze, | + | <br/>De nombreux ingénieurs gembloutois, menés par le professeur [[Marchal, Émile Jules Joseph (1871-1954)|Émile Marchal]], plaidaient pour une réforme en profondeur du curriculum d’ingénieur agronome. Pour eux, l’agriculture belge avait davantage besoin de chercheurs que de techniciens ou de vulgarisateurs. Ce courant donnait volontiers aux sciences naturelles, aux séminaires, aux exercices en laboratoire et aux recherches personnelles une place privilégiée dans le cursus, et le verrait volontiers couronné par un doctorat en sciences agronomiques. Le point d’orgue de cette réforme serait le rattachement des deux instituts agronomiques de l’État aux deux universités de l’État (Liège dans le cas de Gembloux).<ref>Marchal, É., “L’Enseignement supérieur agronomique dans le cycle des hautes études » in Académie Royale de Belgique, ''Bulletins de la Classe des Sciences'', 1921, 5e série, t. VII, Bruxelles, Maurice Lamertin, Marcel Hayez, 1922, p. 803</ref> Un discours similaire se rencontre à Louvain : le recteur magnifique, Monseigneur Ladeuze, y compare même l’Institut agronomique à une section spécialisée de la Faculté des Sciences<ref>Monseigneur Ladeuze, recteur magnifique, « Discours » in ''Agricultura, 1878-1929 : Numéro Jubilaire des Fêtes du Cinquantenaire de l'Institut Agronomique. Jubelnummer der Half-Eeuwfeesten van het Landbouwinstituut'', 1929, p. 8-9.</ref>. |
<br/>Le Comité parvint enfin à s’accorder sur un projet d’arrêté royal, promulgué le 10 octobre 1934. Les études d’ingénieur agronome étaient réparties en deux années de candidature (portant désormais quasi-exclusivement sur les sciences naturelles et les mathématiques), deux années d’études d’ingénieur (portant sur les applications techniques) et une année de spécialisation facultative. Autre nouveauté : l’examen d’entrée était supprimé et remplacé par l’obligation inconditionnelle de posséder un certificat d’humanités complètes (latin-grec ou latin-maths). Celles-ci étaient alors vues, non comme un prérequis, mais plutôt comme une initiation apportant la « culture générale », la « personnalité cérébrale » et la « maturité d’esprit » qui permettent de « devenir un homme spirituellement parlant ».<ref>Ferrand, M., « À propos de l’Enseignement Supérieur Agronomique. Courte réponse à M. le Professeur Leplae », in ''Annales de Gembloux'', 43e année, n°12, Décembre 1937, p. 412.</ref> | <br/>Le Comité parvint enfin à s’accorder sur un projet d’arrêté royal, promulgué le 10 octobre 1934. Les études d’ingénieur agronome étaient réparties en deux années de candidature (portant désormais quasi-exclusivement sur les sciences naturelles et les mathématiques), deux années d’études d’ingénieur (portant sur les applications techniques) et une année de spécialisation facultative. Autre nouveauté : l’examen d’entrée était supprimé et remplacé par l’obligation inconditionnelle de posséder un certificat d’humanités complètes (latin-grec ou latin-maths). Celles-ci étaient alors vues, non comme un prérequis, mais plutôt comme une initiation apportant la « culture générale », la « personnalité cérébrale » et la « maturité d’esprit » qui permettent de « devenir un homme spirituellement parlant ».<ref>Ferrand, M., « À propos de l’Enseignement Supérieur Agronomique. Courte réponse à M. le Professeur Leplae », in ''Annales de Gembloux'', 43e année, n°12, Décembre 1937, p. 412.</ref> | ||
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<br/>Si cette situation inquiétait quelqu’un, c’était bien [[Leplae Edmond (1868-1941)|Edmond Leplae]]. Professeur à l’[[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Leuven|Institut agronomique de Louvain]] depuis 1894, Leplae était particulièrement sensible aux besoins de l’agriculture belge, en sa qualité de membre du puissant Boerenbond belge, du Conseil supérieur de l’Agriculture et de la Société royale d’agriculture de Belgique. Le Prof. Leplae restait attaché à la mission originelle des institutions agronomiques : « éduquer et relever la classe agricole » ; permettre aux « futurs exploitants agricoles », aux « fils de propriétaires fonciers »<ref>Leplae, E., ''La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934'', Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 12, p. 26.</ref> d’améliorer la gestion de leurs propres exploitations. À cette fin, les études dans les instituts agronomiques devraient être à la fois courtes, aisées d’accès pour des jeunes peu instruits, et directement utiles et pratiques (économie, sociologie, usage de l’électricité ou des tracteurs), mettant de côté les sciences biologiques. | <br/>Si cette situation inquiétait quelqu’un, c’était bien [[Leplae Edmond (1868-1941)|Edmond Leplae]]. Professeur à l’[[Faculteit Bio-ingenieurswetenschappen Leuven|Institut agronomique de Louvain]] depuis 1894, Leplae était particulièrement sensible aux besoins de l’agriculture belge, en sa qualité de membre du puissant Boerenbond belge, du Conseil supérieur de l’Agriculture et de la Société royale d’agriculture de Belgique. Le Prof. Leplae restait attaché à la mission originelle des institutions agronomiques : « éduquer et relever la classe agricole » ; permettre aux « futurs exploitants agricoles », aux « fils de propriétaires fonciers »<ref>Leplae, E., ''La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934'', Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 12, p. 26.</ref> d’améliorer la gestion de leurs propres exploitations. À cette fin, les études dans les instituts agronomiques devraient être à la fois courtes, aisées d’accès pour des jeunes peu instruits, et directement utiles et pratiques (économie, sociologie, usage de l’électricité ou des tracteurs), mettant de côté les sciences biologiques. | ||
− | <br/>Or à ses yeux, la réforme des études agronomiques remplaçait les fermiers par des fils de citadins aisés, destinés aux emplois dans l’administration, l’enseignement secondaire, la recherche. Pire encore : par leur programme trop scientifique, ces études feraient désormais « perdre le goût de la vie à la campagne »<ref>Leplae, E., ''La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934'', Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 13.</ref>, agrandiraient le fossé culturel avec les paysans, et conduiraient les rares fils de cultivateurs encore présents à « abandonner leur ferme et devenir Fonctionnaire ».<ref>Leplae, E., ''Projet d’un nouveau Programme d’études pour les Instituts Supérieurs Agronomiques belges'', Louvain, Établissements Fr. Ceuterick, 1937, p. 3.</ref> Les instituts agronomiques contrarieraient ainsi la politique menée depuis plus d’un demi-siècle par le pilier catholique belge : freiner l’exode rural (et son apparent corollaire, la déchristianisation). La perte d’une main d’œuvre qualifiée pour la colonie constituait une autre grande crainte pour celui qui était alors directeur-général du service d’Agriculture du Ministère des Colonies depuis 1910, avait fondé l’[[Institut National pour l'Étude Agronomique du Congo belge|INEAC]] en 1933 et pilotait alors un vaste plan de développement de l’agriculture congolaise. | + | <br/>Or à ses yeux, la réforme des études agronomiques remplaçait les fermiers par des fils de citadins aisés, destinés aux emplois dans l’administration, l’enseignement secondaire, la recherche. Pire encore : par leur programme trop scientifique, ces études feraient désormais « perdre le goût de la vie à la campagne »<ref>Leplae, E., ''La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934'', Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 13.</ref>, agrandiraient le fossé culturel avec les paysans, et conduiraient les rares fils de cultivateurs encore présents à « abandonner leur ferme et devenir Fonctionnaire ».<ref>Leplae, E., ''Projet d’un nouveau Programme d’études pour les Instituts Supérieurs Agronomiques belges'', Louvain, Établissements Fr. Ceuterick, 1937, p. 3.</ref> Les instituts agronomiques contrarieraient ainsi la politique menée depuis plus d’un demi-siècle par le pilier catholique belge : freiner l’exode rural (et son apparent corollaire, la déchristianisation<ref>Le recteur magnifique Ladeuze réaffirme cette mission de l'ingénieur agronome louvaniste en 1929 : « En préparant des chefs à ce monde des travailleurs de la terre, notre Institut agronomique aide le Pape dans l’exploitation de son champ. » Monseigneur Ladeuze, recteur magnifique, « Toast » in ''Agricultura, 1878-1929 : Numéro Jubilaire des Fêtes du Cinquantenaire de l'Institut Agronomique. Jubelnummer der Half-Eeuwfeesten van het Landbouwinstituut'', 1929, p. 36.</ref>). La perte d’une main d’œuvre qualifiée pour la colonie constituait une autre grande crainte pour celui qui était alors directeur-général du service d’Agriculture du Ministère des Colonies depuis 1910, avait fondé l’[[Institut National pour l'Étude Agronomique du Congo belge|INEAC]] en 1933 et pilotait alors un vaste plan de développement de l’agriculture congolaise. |
<br/>Pour combattre ce désamour des fils de propriétaires terriens pour l’agronomie déjà perceptible à la fin du <small>XIX<sup>e</sup></small>, l’Institut de Louvain avait instauré en 1908 une « licence en sciences agronomiques », en deux ans. Elle fut introduite en 1920 à Gembloux et Gand, sans grand succès. Après ses deux années d’études, le licencié pouvait ensuite facilement faire une « passerelle » vers les études d’ingénieur agronome. Or, dans la réforme de 1934, cette licence était elle aussi sujette à l’allongement des études (de deux à trois ans) et à l’exigence d’un certificat d’humanités complètes. | <br/>Pour combattre ce désamour des fils de propriétaires terriens pour l’agronomie déjà perceptible à la fin du <small>XIX<sup>e</sup></small>, l’Institut de Louvain avait instauré en 1908 une « licence en sciences agronomiques », en deux ans. Elle fut introduite en 1920 à Gembloux et Gand, sans grand succès. Après ses deux années d’études, le licencié pouvait ensuite facilement faire une « passerelle » vers les études d’ingénieur agronome. Or, dans la réforme de 1934, cette licence était elle aussi sujette à l’allongement des études (de deux à trois ans) et à l’exigence d’un certificat d’humanités complètes. | ||
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− | <br/>En outre, Leplae met le doigt sur une autre cause du renforcement de la sélectivité et du caractère scientifique des études d’ingénieur agronome : la lutte à mort sur le marché de l’emploi. En effet, dans un contexte où régnait le « chômage des intellectuels », les diplômés en agronomie avaient alors grand-peine à trouver un boulot. À eux seuls, les ingénieurs agronomes comptaient pour 7% des diplômés de l’enseignement supérieur à la recherche d'emploi lors du recensement de 1937<ref>« Statistiques universitaires (recensement 1937) » in ''Annales de Gembloux'', 44e année, n°12, Décembre 1938, p. 434.</ref> ; et de toutes les formations supérieures, c’était celle qui produisait le plus de « chômeurs intellectuels », devant les Facultés de Philosophie et Lettres. Les Associations des anciens élèves de [[ | + | <br/>En outre, Leplae met le doigt sur une autre cause du renforcement de la sélectivité et du caractère scientifique des études d’ingénieur agronome : la lutte à mort sur le marché de l’emploi. En effet, dans un contexte où régnait le « chômage des intellectuels », les diplômés en agronomie avaient alors grand-peine à trouver un boulot. À eux seuls, les ingénieurs agronomes comptaient pour 7% des diplômés de l’enseignement supérieur à la recherche d'emploi lors du recensement de 1937<ref>« Statistiques universitaires (recensement 1937) » in ''Annales de Gembloux'', 44e année, n°12, Décembre 1938, p. 434.</ref> ; et de toutes les formations supérieures, c’était celle qui produisait le plus de « chômeurs intellectuels », devant les Facultés de Philosophie et Lettres. Les Associations des anciens élèves de [[Vereniging van de ingenieurs en gediplomeerden van de Faculteit der Landbouwwetenschappen der Universiteit te Leuven - Association des ingénieurs et diplômés de la Faculté des sciences agronomiques de l'Université de Louvain|Louvain]] et [[Verbond bio-ingenieurswetenschappen Gent|Gand]] créèrent en leur sein des bureaux de placement ([[Association Royale des Ingénieurs de Gembloux|Gembloux]] en possédait un depuis 1894), et un gala fut même organisé le 28 janvier 1939 par l’Association gembloutoise au bénéfice de ses membres tombés dans la misère. |
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− | <br/>La réforme ne faisant toujours pas consensus, le Comité restreint reprit ses travaux en 1936. Un compromis aboutit enfin en 1937 entre les instituts pour porter la durée des études à cinq années. Les Associations finirent par se coaliser en un ‘Comité Permanent d’Entente des Associations Belges d’Ingénieurs-Agronomes’, qui exigea du Parlement la reconnaissance de l’égalité de leur titre avec celui des ingénieurs universitaires. La réforme de 1934 constituait un point majeur de leur argumentaire. Le nouveau Ministre de l’Instruction publique, [[Duesberg, Jules (1881-1947)|Jules Duesberg]], lui-même pro-recteur de l’[[Université de Liège]], déposa enfin le 13 décembre 1939 un projet de loi visant à reconnaître au diplôme agronomique la dignité universitaire, mais | + | <br/>La réforme ne faisant toujours pas consensus, le Comité restreint reprit ses travaux en 1936. Un compromis aboutit enfin en 1937 entre les instituts pour porter la durée des études à cinq années. Les Associations finirent par se coaliser en un ‘Comité Permanent d’Entente des Associations Belges d’Ingénieurs-Agronomes’, qui exigea du Parlement la reconnaissance de l’égalité de leur titre avec celui des ingénieurs universitaires. La réforme de 1934 constituait un point majeur de leur argumentaire. Le nouveau Ministre de l’Instruction publique, [[Duesberg, Jules (1881-1947)|Jules Duesberg]], lui-même pro-recteur de l’[[Université de Liège]], déposa enfin le 13 décembre 1939 un projet de loi visant à reconnaître au diplôme agronomique la dignité universitaire, mais la guerre empêcha son adoption. |
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+ | <br/>L'article original de Virgile Royen peut être consulté ici : [[File:Le_talisman_des_agronomes.pdf]] | ||
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====Sources==== | ====Sources==== |
Latest revision as of 18:52, 30 April 2021
Des agronomes ? Sont-ils vraiment des scientifiques, pour mériter leur place sur Bestor ? Détrompez-vous. Dès l’Entre-Deux-Guerres, les instituts agronomiques belges donnèrent aux sciences naturelles une place sans cesse croissante dans leurs programmes d’enseignement. L’heure était à la biologie appliquée, à la transformation directe de la nature par la maîtrise de ses lois. Cette évolution, l’ouvrage commémoratif du centenaire de l’Institut agronomique de Gembloux (1960) l’attribue au progrès des connaissances et aux besoins nouveaux de l’agriculture…[1] Mais qu'en est-il des besoins des agronomes eux-mêmes ?
Les agronomes se rebellent
Éclairer la « classe rurale » ?
Le prestige, talisman contre le chômage
Épilogue
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L'article original de Virgile Royen peut être consulté ici : File:Le talisman des agronomes.pdf
Sources
Monographies
- Institut agricole de l'Etat à Gembloux. Historique, organisation, enseignement, annexes, Bruxelles, Imprimerie Xavier Havemans, 1901.
- Association des Ingénieurs sortis de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux, Compte-rendu de la Journée des Ingénieurs agronomes de Gembloux organisée le 23 août 1930 à Liége, à l’occasion du XLe Anniversaire de la Fondation de l’Association, Bruxelles, Imprimerie Louis Vogels, 1930.
- Leplae, E., La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934, Louvain, Fr. Ceuterick, 1937.
- Leplae, E., Projet d’un nouveau Programme d’études pour les Instituts Supérieurs Agronomiques belges, Louvain, Établissements Fr. Ceuterick, 1937.
- Istace, A., Le grave problème des études agronomiques d’après l’interprétation des statistiques des diplômés de l’enseignement supérieur en Belgique, Gembloux, Imprimerie J. Duculot, [1946] (Extrait des Annales de Gembloux, 2e Trimestre 1946).
- Ragondet, G., Le cinquantième anniversaire de la fondation des Annales de Gembloux, Gembloux, Imprimerie J. Duculot, [1947] (Extrait des Annales de Gembloux, 2e Trimestre 1947).
- Fêtes commémoratives du Centenaire de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux – Juillet 1960, placées sous le Haut Patronage de Sa Majesté Le Roi, Gembloux, Duculot, 1961.
- Vandamme, E., Faculteit Landbouwkundige en Toegepaste Biologische Wetenschappen. Jubileumboek (1920-1995), Gent, Snoeck-Ducaju & Zoon , 1995.
Périodiques
- Agricultura, 1928-1939.
- Annales de Gembloux, 1928-1939.
- Bulletijn van het Verbond der ingenieurs en licenciaten van de Landbouwhoogeschool van den Staat te Gent, 1929-1932.
- Bulletin de l’Institut Agronomique et des Stations de Recherches de Gembloux, v. 1, n°1, Février 1932.
- Académie Royale de Belgique, Bulletins de la Classe des Sciences, 1922, 1931.
- De Ingenieur-Agronoom, 1933-1940.
Littérature
- Woestenborghs, B., Hermans, R., Segers, Y., In het spoor van Demeter. Faculteit Bio-Ingenieurswetenschappen K.U.Leuven (1878-2003), Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2005.
- Lagast, N., « Histoire succincte de l’enseignement supérieur en agronomie en Belgique francophone. 150 ans en 2010. » in L’Ing. 13. Bulletin trimestriel de l’UFIIB, 28, Janvier-Février-Mars 2010.
Lagast, N., Vijfhonderd jaar geschiedenis van de ingenieur, Van 1500 tot 2010, Antwerpen, Apeldoorn/Garant, 2011.
- ↑ Lecrenier, « Discours prononcé par M. le Recteur Decrenier » in Fêtes commémoratives du Centenaire de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux – Juillet 1960, placées sous le Haut Patronage de Sa Majesté Le Roi, Gembloux, Duculot, 1961.
- ↑ À cette époque, les trois instituts étaient complètement indépendants des universités auxquels ils sont aujourd'hui annexés.
- ↑ Marchal, É., “L’Enseignement supérieur agronomique dans le cycle des hautes études » in Académie Royale de Belgique, Bulletins de la Classe des Sciences, 1921, 5e série, t. VII, Bruxelles, Maurice Lamertin, Marcel Hayez, 1922, p. 803
- ↑ Monseigneur Ladeuze, recteur magnifique, « Discours » in Agricultura, 1878-1929 : Numéro Jubilaire des Fêtes du Cinquantenaire de l'Institut Agronomique. Jubelnummer der Half-Eeuwfeesten van het Landbouwinstituut, 1929, p. 8-9.
- ↑ Ferrand, M., « À propos de l’Enseignement Supérieur Agronomique. Courte réponse à M. le Professeur Leplae », in Annales de Gembloux, 43e année, n°12, Décembre 1937, p. 412.
- ↑ Woestenborghs, B., Hermans, R., Segers, Y., In het spoor van Demeter. Faculteit Bio-Ingenieurswetenschappen K.U.Leuven (1878-2003), Leuven, Universitaire Pers Leuven, 2005, p. 96.
- ↑ Leplae, E., La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934, Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 12, p. 26.
- ↑ Leplae, E., La menace de dépopulation des Instituts Supérieurs Agronomiques belges par le Programme d’étude de 1934, Louvain, Fr. Ceuterick, 1937, p. 13.
- ↑ Leplae, E., Projet d’un nouveau Programme d’études pour les Instituts Supérieurs Agronomiques belges, Louvain, Établissements Fr. Ceuterick, 1937, p. 3.
- ↑ Le recteur magnifique Ladeuze réaffirme cette mission de l'ingénieur agronome louvaniste en 1929 : « En préparant des chefs à ce monde des travailleurs de la terre, notre Institut agronomique aide le Pape dans l’exploitation de son champ. » Monseigneur Ladeuze, recteur magnifique, « Toast » in Agricultura, 1878-1929 : Numéro Jubilaire des Fêtes du Cinquantenaire de l'Institut Agronomique. Jubelnummer der Half-Eeuwfeesten van het Landbouwinstituut, 1929, p. 36.
- ↑ Idem, p. 10.
- ↑ « Statistiques universitaires (recensement 1937) » in Annales de Gembloux, 44e année, n°12, Décembre 1938, p. 434.
- ↑ Idem, p. 435.
- ↑ Mertens, A., « L’enseignement supérieur agricole », in Agricultura, 33e année, n°4, Décembre 1931, p. 166.
- ↑ Par exemple, lorsque les diplômés des écoles d'horticulture se coalisent en 1937 pour lutter contre la prétention des agronomes à monopoliser des emplois publics qu'ils estiment leur revenir de droit, le Verbond gantois republie leurs articles pour se moquer de leur orthographe et de leur manque supposé d' "algemeene ontwikkeling". 'Bijlage' in De Ingenieur-Agronoom, September 1938, p. I-IV.
- ↑ Ferrand, M., « À propos de l’Enseignement Supérieur Agronomique. Courte réponse à M. le Professeur Leplae », in Annales de Gembloux, 43e année, n°12, Décembre 1937, p. 413.