Fondation de l’Université de Liège pour les Recherches Scientifiques en Afrique centrale

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Fondation de l'Université de l'État à Liège pour les recherches au Congo belge. Elle était financée par le Patrimoine de l'Université et largement subsidiée par les sociétés minières du Katanga, principal lieu de déploiement de ses activités scientifiques et sociales.


Abréviation : FULREAC



Historique

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Le recteur Dubuisson était un des leaders de la fondation du FULREAC. Source : Liber Mémorialis. L’Université de Liège de 1936 à 1966, Liège, 1967.

Avant les années 50, l’Université de l’État à Liège était restée relativement en retrait du mouvement des sciences coloniales belges. Les cours portant sur des matières coloniales étaient peu nombreux et dispersés. Ils vont voir leur nombre augmenter sous l’effet des initiatives individuelles d’un cercle restreint de professeurs liégeois intéressés par le Congo, tels que Raymond Bouillenne (botanique), Ferdinand Campus (génie civil), Henri Buttgenbach (géologie et minéralogie) et Paul Fourmarier (géologie, géographie).[1] D’autres professeurs viendront s’ajouter à ce groupe de spécialistes, comme le biologiste Marcel Dubuisson. En 1953, Raymond Bouillenne et Marcel Dubuisson proposèrent au recteur Ferdinand Campus de mettre en place un fonds pour l’octroi de « mandats coloniaux » à des chercheurs liégeois, financé par le Patrimoine de l’Université de Liège. Il leur offrirait l’opportunité d’effectuer un voyage d’étude dans la colonie. Le nombre de mandataires augmenta progressivement de deux en 1953 à six en 1956.


Dans l’ensemble, Liège est à la traîne en matière coloniale et ces savants sensibilisés déplorent constamment le manque d’intérêt de leurs collègues et de leurs étudiants pour la colonie. Ce sont eux qui vont réclamer la mise en place d’une Fondation de l’Université de Liège, à l’instar des CADULAC, FOMULAC et autres CEMUBAC. En 1956, une équipe de professeurs liégeois, recteur Dubuisson en tête, accompagnés de collègues de l’Institut agronomique de l’État à Gembloux (l’Université de Liège n’ayant pas de faculté agronomique), se rend au Congo belge et arpente la colonie de long en large. L’objectif était de prendre des contacts avec les autorités coloniales et les notables locaux, de se documenter et de réfléchir à un « Plan d’action coloniale » pour l’Université de Liège. Enfin, le 23 juillet 1956, la Commission administration du Patrimoine Universitaire de Liège créa la Fondation de l'Université de Liège au Congo belge et Ruanda-Urundi. Le recteur en assurait la présidence.


La FULREAC entend d’emblée se distinguer des autres fondations universitaires belges : il ne sera question ni de fonder des hôpitaux, ni d'établir des laboratoires sur place. Sa fondation est profondément liée à la politique sociale alors menée par les grandes sociétés d’exploitation des ressources naturelles de la très riche province du Katanga : Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga (BCK), Société internationale forestière et minière du Congo (Forminière) et surtout Union Minière du Haut-Katanga (UMHK). Ces compagnies étaient confrontées à un important défi social : la forte croissance des industries minières et manufacturières à proximité des grandes villes katangaises, ainsi que les initiatives de ces entreprises pour prendre soin de leur main-d’œuvre indigène (salaires élevés, construction d’écoles et d’hôpitaux) provoquait un exode rural à travers toute la province. Il en résultait une urbanisation chaotique et une concentration de jeunes chômeurs dont on craignait fort l’agitation.


L’UMHK créa et finança donc dès 1946 un Centre d’étude des problèmes sociaux indigènes (CEPSI). En 1955, celui-ci appela à l’aide les sociologues des trois grandes universités francophones de Belgique. À Liège, un Institut de Sociologie venait justement de voir le jour sous la conduite du professeur René Clemens. Déjà actif dans un programme social urbain à Élisabethville (à l’invitation d’anciens élèves travaillant au BCK) et au sein du CEPSI, familier des indigènes, c'est le professeur Clemens qui a probablement mis le recteur Dubuisson en rapport avec les dirigeants de l’UMHK (eux-mêmes pour la plupart des anciens élèves de l’Université de Liège).


Fonctionnement

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Parmi les activités sociales de la FULREAC, la formation professionnelle, dans la droite ligne des initiatives antérieures de l'Union Minière du Haut-Katanga (ici, en 1956). Source : Union Minière du Haut Katanga (1906-1956), Bruxelles, L. Cuypers, 1956, p. 255.

Le siège de la Fondation était situé à Élisabethville, au Katanga, quoique son siège administratif fût situé à l’Université de Liège. Son conseil d’administration était composé de 21 membres, sous la présidence du recteur. Sur ces 21 membres, 10 faisait partie de la Commission administration du Patrimoine Universitaire de Liège, 3 étaient désignés par l’Association des Amis de l’Université de Liège, et six étaient cooptés par le Conseil d’Administration de l’Université de Liège : furent choisis, entre autres, l’administrateur de l’UMHK et l’administrateur-délégué de la Banque du Congo belge. La mission de la Fondation était de promouvoir la recherche et l’enseignement au Congo, ainsi que l’assistance médicale et sociale aux autochtones. René Clemens tenait le rôle de secrétaire-trésorier et dirigeait la fondation sur le terrain. Le financement de la Fondation était assuré par le Patrimoine universitaire, le gouvernement général de la Colonie et l’Union Minière du Haut-Katanga (via le CEPSI).


L’activité de la Fondation liégeoise porta principalement sur la crise de l’urbanisation au Katanga. Une première mission interdisciplinaire eut lieu entre janvier et mai 1957 à Élisabethville, regroupant des professeurs de différentes facultés (le psychologue Jean Paulus, le botaniste Raymond Bouillenne, le zoologue Désiré Damas, le géographe Omer Tulippe et le sociologue René Clemens, sous la conduite du professeur de médecine Lucien Brull et du recteur Marcel Dubuisson lui-même. L’objectif était d’étudier les problèmes sociaux sous tous leurs angles (rencontre avec les autorités locales, les industriels, les chefs coutumiers ; visite des cités indigènes, des missions, des usines…) et de leur proposer des solutions concrètes. Le recteur Dubuisson, toujours à la manœuvre, s’envolait régulièrement pour le Katanga afin de superviser les opérations. Une seconde mission eut lieu en avril 1957 : elle comptait douze chefs de missions et neufs chargés de mission, qui restèrent sur place après le terme de leur mandat. La solution proposée à l’engorgement urbain fut la création par ces chercheurs liégeois d’un centre expérimental de développement rural, à Mangombo. Dans ce village artificiel, créé de toutes pièces sur des terres scientifiquement sélectionnées pour leur fertilité, les indigènes recevaient un lopin de terre et bénéficiaient des mêmes facilités sociales qu’en ville (école, centres médiaux, « foyer social » pour apprendre aux femmes congolaises la couture, l’hygiène ou la puériculture…). Le centre fut un franc succès, apprécié des Congolais, mais le Congo accéda à l'indépendance avant que d'autres centres similaires aient pu être bâtis.


Indépendance

En juillet 1960, lorsque l’indépendance du Katanga fut proclamée, l'État séparatiste reprit à sa charge le financement de la Fondation. À cette occasion, celle-ci changea son nom, devenant la Fondation de l’Université de Liège pour les Recherches Scientifiques en Afrique centrale (FULREAC). Le financement était aussi assuré par la vente des récoltes de Mangombo. Son activité déclina cependant. En 1966, le régime de Mobutu nationalisa l’Union Minière du Haut-Katanga : la Générale congolaise des minerais (Gécomine), l’entreprise publique qui lui succéda, reprit à sa charge le financement du centre de Mangombo, entretemps entièrement cédé au Centre d’étude des problèmes sociaux indigènes.
Inspirées par l’exemple de Mangombo, les nouvelles autorités du Rwanda indépendant contactèrent la Fondation liégeoise : à nouveau, Marcel Dubuisson s’envola vers les tropiques en 1968 et une mission interdisciplinaire de la FULREAC étudia et délivra un rapport aux autorités rwandaises en 1970.

En 1977, la FULREAC fusionna avec le Centre d’Etudes des problèmes des pays en développement ou CEDEV[2] pour former le Centre de coopération au développement de l’ULg (CECODEL), rebaptisé en 2012 le Centre pour le Partenariat et la Coopération au Développement (PACODEL). Ce centre coordonne et soutient toujours les activités d’enseignement, de recherche et de services en matière de coopération au développement. Le siège du PACODEL est situé à Gembloux.


L’Association des Amis de l’Institut de Sociologie de l’Université de Liège au Congo

Le partenariat entre l’Université de Liège et les grandes entreprises katangaises se prolongeait par un autre canal, celui de l’Association des Amis de l’Institut de Sociologie de l’Université de Liège au Congo. Il s’agissait d’une fondation de droit congolais permettant à René Clemens de se faire financer par les industriels katangais et le Gouvernement Général de la colonie pour mettre en place « Foyer social » (le Centre éducatif et social de Katuba) et un « Chantier de Jeunesse », à nouveau destinés à encadrer, éduquer et former les jeunes sans emploi qui affluaient des campagnes dans les faubourgs des villes industrielles katangaises. En parallèle, l’Association menait des recherches sur des thèmes sociologiques liés à l’urbanisation rapide du Katanga. Après l’indépendance, l’Association continuera ses activités mais les cadres européens furent progressivement remplacés par des autochtones.


Bibliographie

  • Union Minière du Haut Katanga (1906-1956), Bruxelles, L. Cuypers, 1956.
  • Grogna N., L’action de l’Université de Liège au Katanga, mémoire de licence en histoire, inédit, Université de Liège, année académique 1986-1987.
  • « PACODEL » in Université de Liège, Site de l’Université de Liège, [Online], page consultée le 22 mars 2019.


Notes

  1. Paul Fourmarier et Raymond Bouillenne siégeaient ainsi dans la commission administrative dirigeant l’Institut National pour l'Étude Agronomique du Congo belge
  2. Créé en 1964 par le recteur Dubuisson, il avait été confié à la charge de Joachim Frenkiel, ancien recteur de l’Université officielle de l’État du Katanga.